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SUR LE LIVRE DE JUNIUS BRUTUS.

réponse de Morton est intitulée : Catholica Appellatio pro Protestantibus. Or c’est sans doute l’ouvrage de Morton qui, selon le Catalogue d’Oxford, parut en 1606 sous le titre de, A catholice Appeal for Protestante ; et ainsi je ne dois pas juger que ce Catalogue marque la première édition de l’Apologie dans ces paroles de la page 107 ; The Protestants’ Apology for the Roman Church, 1608. Or, comme l’ouvrage de Sutcliffus, cité par Brereley, est la réponse à une requête des presbytériens, et que le Catalogue d’Oxford met l’impression de cette réponse à l’an 1592 sous ce titre ; Answer to a Petition af the consistorian Faction presented to her Majesty, il est clair que le livre de Junius Brutus a été imputé à Théodore de Bèze long-temps avant que les jésuites répondissent à l’Anti-Coton.

Il ne paraît pas que Brereley, qui allègue un nombre prodigieux d’auteurs protestans en toutes matières, eût lu Junius Brutus ; car il n’en cite point de passages : et c’est pour cela que l’évêque de Luçon [a] n’en cita point dans l’écrit qu’il publia contre ceux de la religion en l’année 1618, où il leur objecte quelques autres écrivains imbus maximes de Hubert Languet, desquels il avait trouvé les citations dans Brereley, comme M. Rivet l’insinue, en répondant au jésuite Pétra Sancta. A quo (libello episcopi Lussonensis) video non pauca te mutuatum fuisse, quemadmodùm ille, aut potiùs sacerdos anglus qui tum ei fuit à manu ex laciniis anglo-papistarum [b]. Je n’ai point vu ce livre de l’évêque de Luçon ; mais ce qui me fait croire qu’on n’y a point parlé de Junius Brutus, c’est que David Blondel [c], en répondant à ce prélat, ne lui répond rien touchant cet auteur masqué. Il n’est pas difficile de savoir présentement pourquoi Pétra Sancta [d] ne parle pas non plus de cet auteur : c’est qu’il emprunta du prélat, comme M. Rivet le lui reproche fort bien, toutes ses citations d’auteurs protestans anti-monarchiques. Il paraît de là que l’auteur de la grande Réponse au Calvinisime de Maimbourg s’est trompé lorsqu’il a dit [e] que la Méthode attribuée au cardinal de Richelieu, et le jésuite Sylvestre à Sanctâ Petrâ, ont fourni à M. Arnauld l’objection qu’il nous a faite sur l’autorité royale, dans son Apologie pour les Catholiques : car, premièrement, ce n’est pas dans la Méthode, qui n’a été publiée qu’après la mort du cardinal de Richelieu, mais dans un livre qu’il avait publié avant son cardinalat, qu’il a objecté ces sortes d’écrits républicains : et, en second lieu, si M. Arnauld avait puisé dans ces deux sources il n’y aurait pas trouvé l’ouvrage de Hubert Languet, ni l’écrit de

  1. Depuis ce temps-là il a été le cardinal de Richelieu.
  2. Rivetus, Operum tom. III, p. 505, num. 5. Blondel, dans sa Modeste Déclaration, pag. 287, parle plus expressément : l’on emprunte, dit-il, de l’Apologie de Jean Brereley Missotier, Anglais, l’invention de mutiler quelques passages.
  3. Modeste Déclaration de la sincérité des Églises réformées, à Sedan, 1619.
  4. Silvest. Petra Sancta, not. in epist. Petri Molinæi ad Balzacum.
  5. Tom. II, pag. 286 de l’édit. in-4o.