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DISSERTATION

Pline [1], où il dit que Tzetzès a parlé de la même vache dans l’Histoire CXCIV de la VIIIe. chiliade. Voyez aussi l’Anti-Baillet [2] où l’on cite une épigramme grecque d’André Lascaris [* 1]. Notez que dom Lancelot de Pérouse met au rang des fables tout ce que les anciens disent de l’amour des bêtes pour des peintures. De gli animali, dit-il [3], porte l’istessa opinione, perche questi non si risentono al coito solamente per la vista, ma per lo moto, per l’odore, e per la voce, niuna delle quali tre cose ha la pittura. Farfalloneggi quanto vuele, Plinio, Valerio, e chi chi sia. J’ai dit, dans l’article Zeuxis, qu’il s’est trompé sur d’autres choses de même nature qu’il a niées : il peut lui être arrivé la même chose sur celles-ci. Quoi qu’il en soit, je citerai athénée : Τῇ τε γὰρ περὶ τὴν Πυρήνην χαλκῇ βοὶ βοῦς ἐπανέϐη, καὶ γεγραμμένῃ κυνὶ καὶ περιςερᾷ καὶ χηνὶ, τῇ μὲν κύων, τῇ δὲ περιςερᾷ, τῇ δὲ χὴν προσῆλθον καὶ ἐπεπήδησαν. ϕανέντων δὲ πᾶσι τούτοις ἀδυνάτων ἀπέςησαν. Circa Pyrenæos montes in æneam vaccam bos tanquàm initurus conscendit : pictis verò cani, columbæ, anseri, fœminis mares ejus generis sese cùm adjunxissent, et insiluissent, destiterunt, quoniam id fieri non posse cognoscerent [4]. Il n’y a peut-être rien de plus malin ni de plus ingénieux dans le Cento Virgilianus de Lélio Capilupi, contre les moines, que l’application qu’il fuit de l’un des vers de Virgile, que je citerai ci-dessous. Voici un morceau de ce centon :

O fortunatos nimium, sua si bona norint !
Non absunt illis saltus, armentque læta.
Cælati argenti sunt, auri multa talenta,
Sacra, deum, sanctique patres ; et chara sororum
Pectora mœrentum tenebris et carcere cæco
Centum ærei claudunt vectes ; et sæpè sine ullis
Conjugiis vento gravidæ, mirabile dictu
Relligione sacræ, non hæc sine numine divûm
Jam nova progenies cœlo demittitur alto.
Credo equidem, nec vana fides, genus esse Deorum.

(C) Il en parle aussi par rapport à toutes les cavales en général. ] Ce qui me fait expliquer ainsi ce passage d’Aristote, est qu’autrement il me paraîtrait contradictoire. On en jugera par ce précis. On y voit que la chaleur des cavales s’appelle envie enragée de jouir du mâle, ἱππομανεῖν : qu’on dit aussi qu’en ce temps-là elles s’éventent ἐξανεμοῦσθαι : que quand elles sont en cet état elles s’éloignent des autres cavales et des chevaux ; qu’elles courent, non vers l’orient ou vers l’occident, mais vers le nord ou vers le midi ; qu’elles ne se laissent approcher de qui que ce soit, sinon quand la fatigue les fait arrêter, ou bien quand elles sont arrivées auprès de la mer : qu’alors elles jettent quelque chose qu’on nomme hippomanes ; que les cavales dans la saison de l’accouplement se rassemblent ; qu’elles aiment la compagnie plus qu’auparavant ; qu’elles remuent plus souvent la queue ; que leur hennissement change ; qu’elles jettent l’hippomanes. Elles pissent aussi, dit Aristote, plus souvent, et jouent entre celles quand elles sont en chaleur. Je suis fâché de n’avoir pas assez de pénétration pour voir beaucoup de netteté et d’exactitude dans ces paroles : mais quoi qu’il en soit, si l’ἐξανεμοῦσθαι n’est point différent de l’ἱππομανεῖv, comme l’espèce diffère du genre, il s’ensuivra qu’Aristote nous aura appris que les cavales qui sont en chaleur fuient toute compagnie, et que néanmoins elle s’attroupent avec plus de plaisir qu’auparavant. Or comme ce serait une ridicule contradiction, il faut conclure qu’Aristote n’a entendu par ἐξανεμοῦσθαι qu’une certaine espèce de chaleur ; ou si l’on veut qu’il y ait là quelque chose de commun à toutes les jumens, il faudra dire que c’était un état qui précédait la maturité de la passion, et ce qu’Aristote nomme un peu après ὥραν τῆς ὀχείς, tempus coïtûs. Mais voilà qui ruine de fond en comble le système de M. de Saumaise, je veux dire cette explication qui lui plaît tant, et qu’il fait revenir encore plus d’une fois dans une autre page, après avoir censuré avec raison le grand homme qui avait cru que l’ἐξανεμοῦσθαι d’Aristote se devait entendre de ces ca-

  1. * C’est ici que se terminait cette remarque dans le Projet, etc., publié en 1692.
  1. Tom. V, pag. 113, et non pag. 213, comme on le marque dans l’Anti-Baillet, part. II, art. CXVIII.
  2. IIe. part. art. CXXXII.
  3. Secondo Lancelotti da Perugia, abbate Olivetano, accademico Insensato, Affidato, e Humorista, l’Hoggidì, ovvero il Mondo non peggiore nè più calamitoso del passato, part. II, Disinganno XV, pag. 309.
  4. Athen., lib. XIII, pag. 605.