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ZOROASTRE.

tout dans le livre que l’on a cité. Je ne sais point non plus sur quoi l’on se fonde en assurant que Pythagoras fut amené prisonnier à Babylone par le roi Cambyse. Les termes d’Apulée signifient, visiblement qu’il fut envoyé on Égypte avec les prisonniers de ce monarque[1]. Pour bien entendre cela, il faut consulter Hérodote[2], qui raconte que Polycrate, tyran de Samos, voulant se défaire de quelques personnes qui lui étaient suspectes de brasser une rébellion, fit prier Cambyse de lui demander des troupes. Cambyse lui en ayant demandé, Polycrate lui envoya en Égypte quarante vaisseaux où il avait embarqué ces personnes-là, et le fit prier de ne pas permettre leur retour. Apulée a voulu dire, sans doute, qu’il y a des gens qui prétendent que Pythagoras fut un de ceux qui furent alors livrés à Cambyse par Polycrate. Il ne parle point du transport de Pythagoras, soit en Perse, soit à Babylone.

(C) Grégoire de Tours assure à peu près la même chose touchant Chus, fils aîné de Cham. ] « Le fils aîné de Cham, dit-il[3], s’appela Chus. Celui-ci fut le premier inventeur de l’art magique, à la suggestion du diable, et le premier aussi qui donna commencement à l’idolâtrie. Il fut le premier qui, par une suggestion diabolique, fit une petite statue pour être adorée : il faisait accroire aux hommes qu’il avait la puissance d’attirer les étoiles et le feu du ciel. Il s’en alla parmi les Perses, qui l’appelèrent Zoroastre, c’est-à-dire, vivante étoile. Ayant aussi appris de lui la manière d’adorer le feu, ils le révérèrent lui-même comme Dieu, ayant été consumé divinement par le feu. »

(D) Sa magie n’était autre chose que l’étude…. du culte religieux. Platon le déclare formellement. ] Il y a quatre personnes d’élite, dit-il, qui élèvent le fils aîné du roi des Perses. On choisit le plus sage, le plus juste, le plus tempérant et le plus brave qui se puissent trouver. Le plus sage lui enseigne la magie de Zoroastre, c’est-à-dire le culte des dieux : il lui enseigne aussi l’art de régner. Ωνο μὲν μαγείαν τε διδάσκει τὴν Ζωροάστρου τοῶ Ὡρομάζον (ἔςι δε τοῦτο θεῶν θεραπεία) διδάσκει δέ καὶ τὰ βασιλικά. Quorum primus magiam Zoroastri Oromasii filii docet, est autem illa deorum cultus : atque idem tradit instituta regia[4]. Notez que Zoroastre est qualifié fils d’Oromase, et qu’Oromase est le nom que lui et ses sectateurs donnaient au bon Dieu : il semble donc que c’était la même chose de l’appeler fils d’Oromase que de l’appeler fils de Dieu. M. Stanlei conjecture, avec beaucoup de vraisemblance, qu’on lui donnait ce dernier titre. Hinc colligas verba Platonis esse intelligenda de mago Persâ, qui propter inusitatam eruditionem figuratè, aut fabulosè dicebatur filius Dei, aut alicujus boni genii, quo honore affecti sunt Pythagoras, Plato, aliique præstantissimi viri[5]. Qui voudra voir une infinité de passages qui témoignent que la magie des Perses, instituée par Zoroastre, était l’étude de la religion et de la morale, n’aura qu’à lire Brissonius[6] et Boulanger[7]. Personne n’ignore que Gabriel Naudé justifie doctement et solidement notre Zoroastre de l’accusation de magie noire[8]. Il indique bien des auteurs que l’on pourra consulter.

(E) Qu’il y avait deux causes coéternelles, l’une des bonnes choses, l’autre des méchantes. ] Plutarque assure que c’est l’avis et l’opinion de la plupart et des plus sages des anciens[9]. « Zoroastre le magicien, ajoute-t-il, qu’on dit avoir esté cinq cens[10] ans devant le temps

  1. Inter captivos Cambysæ regis, Ægyptum cuùm adveheretur (Pythagoras). Apul. Flor., pag. m. 351.
  2. Herod., lib. III, cap. XLIV.
  3. Gregor. Turon., Hist. Francorum, lib. I, cap. V : je me sers de la version de M. l’abbé de Marolles.
  4. Plato, in Alcibiade I, pag. 441, C.
  5. Stanleius, Hist. Philosoph. orientalis, pag. 11.
  6. Brissonius, de Regno Persarum, lib. II, pag. 178 et seq., edit. Commel., 1595.
  7. Jul. Cæsar Bullengerus, Eclog. ad Arnobium, pag. 346 et seq.
  8. Naudé, Apologie des grands Hommes, p. 134 et suiv.
  9. Plut, de Iside et Osiride, pag. 369 ; je me sers de la version d’Amyot.
  10. Il fallait dire cinq mille, car le grec de Plutarque porte, ὃν πεντακισχιλίους ἔτεσι τών Τρωἲκῶν γεγονέναι πρεσϐύτερον ἱστοροῦσι.