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ACHÉE.

raunus et d’Antiochus-le-Grand (A), rois de Syrie, devint un puissant monarque, et posséda long-temps les états dont il s’était emparé ; mais enfin ses usurpations furent punies d’une terrible manière. Il rendit d’abord de très-grands services, et avec une admirable fidélité, à ses souverains ; car, ayant accompagné Séleucus Céraunus dans l’expédition contre Attalus, il fit mourir les deux capitaines qui avaient ôté la vie à ce Séleucus, et il regagna toutes les provinces qu’Attalus avait conquises, et refusa le titre de roi que les suffrages des troupes et la faveur des circonstances lui mettaient en main [a]. Il résista généreusement à ces tentations, et ne voulut vaincre que pour le successeur légitime du monarque dont il avait vengé la mort, c’est-à-dire pour Antiochus, frère puîné de Séleucus. Mais la bonne fortune l’aveugla ; car, dès qu’il vit que ses victoires l’avaient rendu maître de tous les états d’Attalus, si vous en exceptez la seule ville de Pergame, il se fit appeler roi. Il soutint cette usurpation avec beaucoup de prudence et de courage, et il n’y eut au-deçà du Taurus aucun prince qui se fit craindre autant que lui[b]. Les grandes et belles provinces qu’il possédait au-deçà de cette montagne ne suffirent pas à son ambition ; il songea aussi à la conquête de la Syrie, quand il eut appris qu’Antiochus était allé faire la guerre à Artabazane[c]. Il espéra, ou que cette expédition ferait périr Antiochus, ou qu’elle serait si longue, qu’il aurait le temps de s’emparer de la Syrie avant le retour de ce monarque. Il compta aussi beaucoup sur la rébellion de quelques provinces qui venaient de se soulever. Il partit donc de Lydie avec une grande armée, et pendant sa marche il écrivit aux sujets d’Antiochus ; mais, quand il fut proche de Lycaonie, il s’aperçut que ses soldats ne voulaient point porter les armes contre leur ancien roi. Cela fit qu’il leur déclara qu’il se désistait de son entreprise. Il rebroussa chemin, et ayant pillé la Pisidie, il leur distribua un butin si considérable, qu’il regagna entièrement leur amitié[d]. Inférons de là en passant que ceux qui disent qu’il se déclara roi de Syrie parlent sans exactitude. Antiochus, ayant fini glorieusement la guerre qu’il avait faite à Artabazane, envoya des ambassadeurs à Achée pour se plaindre de ce qu’il prenait le titre de roi, et favorisait ouvertement les Égyptiens[e]. Ce reproche ne fut pas entièrement sans effet ; car nous trouvons qu’Antiochus fit une trêve avec leur prince[f], parce qu’il savait qu’Achée, son allié en apparence, était réellement dans leurs intérêts. Cela montre que l’usurpateur eut quelques égards pour les plaintes d’Antiochus, et qu’il fit semblant de se joindre à lui contre Ptolomée, roi d’Égypte. Celui-ci tâcha vainement de le

  1. Ce fut vers la fin de la 139e. olympiade. et l’an de Rome 533 Calvisu Chronol. pag. 278.
  2. Tiré de Polype, liv. IV. ch. XIII, p. 322.
  3. Prince dont les états étaient situés proche de la mer Caspienne. Voyez Polybe, liv. V. chap. XIII, pag. 408
  4. Polybii Histor. lib. V. cap. XIII. 410
  5. Idem, ibid, pag. 409.
  6. Idem, ibid. cap. XV, pag. 418.