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ADAM.

sa les choses si loin, que, s’il n’eût pas eu de puissans patrons, on lui eût interdit la chaire (B). Il eut assez de bonne foi (C) pour reconnaître que saint Augustin n’était nullement favorable au molinisme ; et il s’échauffa bien fort contre cet ancien docteur. Les jansénistes ne laissèrent pas tomber cette incartade (D). Ils publièrent un écrit contre son sermon, et ne se contentèrent pas de faire l’apologie de saint Augustin : ils réfutèrent quelques autres propositions de ce jésuite, et nommément celle qui se rapportait à l’inspiration des écrivains canoniques (E). Le père Adam n’eut point d’égard aux plaintes que l’on fit de son sermon, et d’un livre où il avait débité beaucoup de choses choquantes contre le même saint Augustin. Il ne se rétracta de rien, et il continua d’écrire sur le même ton. Les jansénistes renouvelèrent leurs plaintes et leurs écritures, et il s’éleva un conflit particulier entre eux et le père Adam. Ils critiquèrent les livres qu’il publia, et il en fit quelques-uns à l’usage des âmes dévotes, pour contrecarrer les desseins de ces messieurs. C’est dans cette vue qu’il fit sortir de dessous la presse les Psaumes de David, les Hymnes et les Prières de l’Église, en latin et en français. Personne n’ignore que les jansénistes cherchèrent à se rendre recommandables par des traductions françaises de cette sorte de livres. Ils critiquèrent les muses du père Adam, je veux dire la version qu’il avait faite des hymnes en vers français (F). Mais ce combat de plume ne dura entre eux et lui que fort peu de temps. Ses écrits commencèrent en 1650, et finirent en 1651 (G). Apparemment on trouva qu’il rendait plus de services à l’Église et à sa société par ses autres dons que par sa plume. Il fut envoyé à Sedan afin d’y établir un collége de jésuites. Il en serait difficilement venu à bout pendant la vie du maréchal de Fabert, l’homme du monde le moins bigot, et le plus ferme sur le principe de la bonne foi. Ceux de la religion se trouvaient fort à leur aise sous son gouvernement ; les choses changèrent après sa mort[a]. Ils furent inquiétés en mille manières par ce jésuite, et obligés de payer des sommes et de céder des fonds qui lui donnèrent moyen d’établir le collége qu’il méditait. Il publia un projet auquel M. de Saint-Maurice, professeur en théologie à Sedan[b], opposa une réponse qui demeura sans répartie. Il demeura quelques années à Sedan, et il avança les affaires de son ordre et le projet des conversions autant qu’il put. Mais enfin les puissances même se dégoûtèrent de lui ; et, soit que l’on redoutât son esprit hardi et intrigant, soit que l’on vit que sa manière de prêcher n’avait pas toute la gravité requise dans un lieu où il y avait une académie de protestans, on fut bien aise que ses supérieurs le retirassent : j’ai même ouï dire qu’on en fit quelques instances. Il avait été en-

  1. Arrivée au mois de mai 1662.
  2. Il l’a été à Maestricht, depuis sa sortie de France après la révocation de l’Édit de Nantes jusqu’à sa mort, arrivée le 29 d’août 1700. Le père Adam lui tendit cent sortes de piéges ; mais il trouva un adversaire qui se démêla de tout habilement.