Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
211
ADAM.

avoir lu les quinze sermons que ce jésuite lui avait envoyés.

(B) On lui eût interdit la chaire. ] C’est ce que nous apprenons d’une lettre de Guy Patin, écrite le 12 d’avril 1650. Notre archevêque, dit-il, a défendu la chaire à M. Broussel, docteur de Navarre et chanoine de Saint-Honoré, qui est grand janséniste et point du tout mazarin, pour avoir prêché depuis trois jours un peu trop hardiment. Le père Adam jésuite eut éprouvé la même rigueur pour avoir prêché contre saint Augustin dans l’église de Saint-Paul, et l’avoir appelé l’Africain échauffé, et le docteur bouillant, sans le crédit des jésuites et des capucins, qui en ont détourné l’archevêque[1].

(C) Il eut assez de bonne foi, etc. ] Il faut entendre ceci cum grano salis, avec quelque restriction : et l’on se tromperait si l’on s’allait figurer que ce jésuite ne retint rien des obliquités artificieuses de ceux qui ont prétendu que saint Augustin n’est favorable, ni aux calvinistes, ni aux jansénistes ; car dans le même sermon qui excita tant de plaintes, et qu’il divisa en deux parties, il destina la seconde à montrer par la doctrine de ce père, que Jésus-Christ était mort pour tous les hommes, sans en excepter aucun ; et il avait déjà publié un livre intitulé Calvin défait par soi-méme, et par les armes de saint Augustin, qu’il avait injustement usurpées sur les matières de la grâce, de la liberté, de la prédestination[2]. Or, il ne faisait aucune difficulté de dire que Jansénius et Calvin enseignent la même chose sur les matières de la grâce, et il répondit peu de jours après son sermon à quelqu’un qui lui en reprochait l’excès : Je ne crains rien ; personne ne peut attaquer mon sermon ni mon livre de la Grâce, qu’il n’entreprenne de soutenir Calvin[3]. Qu’est-ce donc que l’on doit entendre par la bonne foi que je lui donne ? On doit entendre que la liberté avec laquelle il expliquait ses pensées sur les défauts de saint Augustin marquait clairement qu’il voulait bien que l’on sût qu’il ne tenait pas saint Augustin pour un bon modèle de foi dans ces matières.

(D) Les jansénistes ne laissèrent pas tomber cette incartade. ] Peu de jours après ils publièrent un écrit de soixante pages in-quarto, dont voici le titre : Défense de saint Augustin contre les erreurs, les calomnies, les invectives scandaleuses que le père Adum jésuite a prêchées dans l’église de Saint-Paul, le second jeudi du carême, sur ce texte de l’évangile de la Chananée : « Je ne suis envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. » Ils l’accusèrent d’avoir dit : « 1°. Que saint Augustin était embarrassé et obscur en ses écrits, qu’étant un esprit africain, ardent et plein de chaleur, il s’était souvent trop emporté, était tombé dans l’excès, avait passé au delà de la vérité, en combattant les ennemis de la grâce, comme il arrive quelquefois qu’un homme qui a dessein de frapper son ennemi, le frappe avec tant de violence, qu’il le jette contre un arbre, et lui donne un contre-coup, contre son intention. 2°. Que saint Augustin même, en établissant contre les pélagiens le péché originel, s’était emporté jusqu’à l’excès de l’erreur, en disant que le péché originel était puni dans les enfans qui mouraient sans baptême, de la peine du feu et du dam. 3. Que Saint Augustin n’était pas bien assuré en ce qu’il a écrit, puisque, selon la remarque de M. Gamache, il a changé trois fois dans la matière de la grâce. » Ces reproches et quelques autres de cette nature avaient déjà paru dans un livre du père Adam. Ceux qui n’auront pas ce livre les trouveront dans un ouvrage qu’il est facile de consulter ; je veux dire dans les Vindiciæ Augustinianæ, où le père Adam est le premier des adversaires modernes de saint Augustin que le père Noris ait réfutés.

(E) Qui se rapportait à l’inspiration des écrivains canoniques. ] « Que personne ne s’étonne si le père Adam a dit en son sermon, que saint Augustin a excédé par l’ardeur de son zèle, puisqu’il a écrit dans un méchant livre plein de faussetés et

    la première partie des Lettres choisies, pag. 109, édit. de Hollande.

  1. Patin, Lettre XXXVII, pag. 162 du tom. I, édit. de Genève, en 1691, in-12.
  2. Défense de saint Augustin contre le père Adam, pag. 2.
  3. Là même.