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ADONIS.

des adamites de Bohème qui allaient toujours nus, à ce qu’on prétend. Il faut donc que M. Moreri, s’il a entendu ce qu’il disait, assure qu’il y a encore aujourd’hui en Angleterre des gens qui, par principe de religion, vont toujours nus, tant hommes que femmes. Or, c’est ce que la police ne souffrirait pas, et ne saurait ignorer. Voilà donc un catholique qui soutient qu’il y a des adamites dans les pays protestans. Je ne dis rien de ces contes vagues et ridicules touchant la Hollande qui se voient dans le Sorberiana, à la page 17. Mais voyons d’autre côté un ministre qui dit qu’il y a des moines en Italie, nommés adamites, qui vont nus en conséquence des vœux qu’ils font conformément aux règles les plus sacrées de leur ordre : Ac ne nunc quidem, dit-il[1], nomen ejus (hæresis Adamianorum) exstaret, nisi monachi quidam, qui se falso pietatis et vitæ austeritatis prætextu commendârunt, horum hæreticorum impudentes prorsùs mores retinuissent, et inter sanctissima ordinis et regulæ suæ præcepta posuissent ; quales ii qui etiam nunc hodiè adamitæ dicuntur, vigentque plurimùm in Italiâ… Vivunt enim nudi, non necessitate quâdam adacti vel inopiâ vestimentorum, sed ex voti professione. Je voudrais qu’il eût eu plus d’empressement pour prouver ce fait, que pour faire une opposition entre la conduite de ces gens-là, et celle des anciens moines, qui ne s’étaient jamais vus nus[2] et qui disaient qu’un homme de leur profession ne pouvait contempler lui-même sa nudité, sans faire une chose indigne de lui[3]. Un casuiste moderne, qui n’est pas des plus rigides[4], compte néanmoins pour un péché véniel, propria verenda aspicere ex quâdam curiositate, absque aliâ malâ intentione et periculo : et pour un péché mortel, aspicere verenda alterius sexùs operta vestibus ità subtilibus, ut parùm aspectui obstent[5]. Voir nager une personne nue de différent sexe est, selon lui, un péché mortel. Deux hommes d’un caractère grave, comme deux prélats qui s’entrevoient nus, commettent, dit-il[6], un péché mortel. Le Bernia parle d’un homme qui ne portait jamais la main qu’avec le gant à ses parties honteuses[7]. Pourquoi un casuiste ne pourrait-il pas exiger qu’on s’abstînt de les toucher à nu, aussi-bien que de les contempler à nu ? Un ancien philosophe, par affectation de chasteté, n’y allait ni avec le gant, ni sans gant : il s’éloignait bien en cela du principe d’Anacharsis[8]. Cet ancien philosophe était le sévère Xénocrate : Aristoteles, irridens Chalcedonium Xenocratem, quod mejendo virilibus non admoveret manum, inquit, « Puræ quidem manus, at inquinata mens[9]. »

Nous dirons dans la remarque (O) de l’article Hadrien VI, que la Mothe-le-Vayer n’a point dû prendre au pied de la lettre le passage de Bernia.

  1. Lamb. Danæus, in Augst. de Hæres., cap. XXXI.
  2. Apud Socrat. Hist. Eccles., lib. IV, cap. XXIII ; et Sozomen. lib. I, cap. XIII.
  3. Voyez dans l’Historia ludiera de Balthasar Boniface, pag. 181, comment saint Jérôme soutenait se quoque ipsam virginem crubescere debere, nec se sibi nudam ostendere ; et des exemples sur cela loués par Théodoret.
  4. Sanchez, de Matrimon. lib. IX, Disput. XLVI, num. 27 et 28.
  5. Ibid., num. 25 et 26.
  6. Ibid. num. 27 et 28.
  7. Voyez la Mothe-le-Vayer, Hexam. rust., pag. 79.
  8. Vide Plutarchum, de Garrulit. pag. 505 ;' et Clement. Alexandrin., Stromat., lib. V, pag. 568.
  9. Athen. lib. XII, pag. 530.

ADONIS, mignon de la déesse Vénus, était fils de Cinyras, roi de Cypre (A). Les poëtes ont prétendu que Myrrha[a], fille de ce roi[b], devint si éperdument amoureuse de son père, qu’elle se fit introduire dans son lit, sans qu’il sût qui elle était. Quelques-uns disent qu’elle se servit de l’artifice des filles de Lot[c]. Adonis fut le fruit de cet inceste ; il était parfaitement beau, et il parut si aimable aux yeux de Vénus, qu’elle l’enleva (B), et qu’elle quitta tout pour être avec lui. Le ciel même lui sembla un séjour peu agréable, en comparaison des montagnes et des bois où elle suivait Adonis, qui était

  1. Voyez l’article Myrrha.
  2. Ovid. Metam. lib. X, vs. 337.
  3. Hygin., cap. CLXIV.