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AGÉSILAÜS.

dire que Lycurgue ait donné des lois à Lacédémone (B) sous ce règne [a]. Charles Étienne, Lloyd et Hofman confondent cet Agésilaüs avec Agésilaüs II : car ils disent de ce dernier qu’il fut le sixième roi de Lacédémone.

  1. Pausan., lib. III, pag. 82.

(A) Son règne a été fort long. ] En disant cela, je défère plus à l’autorité d’Eusèbe qu’à celle de Pausanias. Celui-ci assure que Doryssus et son fils Agésilaüs n’ont fait que se montrer sur le trône : Δ᾽ ὀλίγου σϕᾶς τὸ χρεὼν ἐπέλαϐεν ἀμϕοτέρους. Mors brevì utrumque oppressit[1] ; mais Eusèbe les fait régner soixante-treize ans : il donne vingt-neuf ans au règne du père, et quarante-quatre au règne du fils. Calvisius cite Pausanias pour cette durée : c’est bien choisir ses témoins.

(B) Que Lycurgue ait donné des lois à Lacédemone. ] Meursius prouve dans ses Antiquités de Lacédémone, que Lycurgue publia ses lois l’an trentième d’Archelaüs, fils et successeur d’Agésilaüs.

  1. Pausan., lib. III, pag. 82.

AGÉSILAÜS, second du nom, roi des Lacédémoniens, était fils d’Archidamus. Il avait peut-être assez d’ambition pour souhaiter de régner à l’exclusion d’Agis, son frère aîné ; mais, quoi qu’il en soit, on ne s’aperçut qu’après la mort d’Agis qu’il eût envie que, pour l’amour de lui, on troublât l’ordre de la succession. Cette envie eut tout le succès qu’il pouvait attendre ; car on fit l’injustice à Léotychide (A), fils d’Agis, de l’exclure de la couronne en faveur d’Agésilaüs[a]. Celui-ci répara, par un grand nombre de belles actions, ce qu’il y eut d’irrégulier dans cette première démarche ; et tout petit qu’il était, de mauvaise mine, et boiteux (B), il acquit à juste titre la réputation d’un grand capitaine. Il était brave, vigilant, prompt : il ménageait bien ses avantages, il profitait bien des occurrences, il entendait toutes les ruses de la guerre, et il s’était mis sur un pied qu’il trompait ses ennemis lors même qu’il leur faisait savoir ses véritables intentions (C). Il n’était pas bien aise qu’ils ignorassent le métier des armes : car il ne savait alors comment les faire donner dans le piége[b]. Il savait aussi tromper ses propres soldats en substituant aux mauvaises nouvelles qu’il recevait une relation supposée d’un grand triomphe [c]. Cela vaut la peine d’être remarqué, afin de désabuser ceux qui croient que ce n’est que depuis l’invention de la gazette que l’on trompe le public. Dès qu’Agésilaüs fut sur le trône, il conseilla aux Lacédémoniens de prévenir le roi de Perse, qui faisait de grands préparatifs de guerre, et d’aller l’attaquer dans ses états [d]. Il fut choisi pour cette expédition, et il remporta tant d’avantages sur l’ennemi, que, si la ligue que les Athéniens et les Thébains avaient formée contre Lacédemone n’eût traversé ses entreprises, il aurait porté ses armes victorieuses jusqu’au centre de la monarchie des Perses. Il renonça de bonne grâce à tous ces triomphes pour venir au secours de la patrie, et il la tira d’affaire très-heureusement par la bataille qu’il gagna sur les al-

  1. Ceci arriva, selon Calvisius, l’an 3 de la 95e. Olympiade.
  2. Plut. in Agesilao, pag. 617, E.
  3. Id., pag. 605. Xenophon de Rebus Græc., lib. IV, pag. 224.
  4. Cornel. Nepos in Agesil. Vitâ, cap. II.