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AGÉSIPOLIS.

celle d’Argos, et précéda de six ans celle d’Olynthe. Notons ici une faute de Calvisius. Il place la guerre d’Argos sous l’an 4 de la 96e. olympiade, peu après la mort de Pausanias, roi de Macédoine[1]. Or, Agésipolis monta sur le trône la même année que mourut ce Pausanias[2] ; et parce qu’il était mineur, on le mit sous la tutelle d’Aristodémus[3]. Il faudrait donc, si Calvisius était exact, que la guerre d’Argos concourût, ou à peu près, avec la première année du règne d’Agésipolis, et que cette guerre eût été conduite par Aristodémus ; car il est certain que, sous la minorité d’Agésipolis, on mit son tuteur à la tête des armées lorsqu’il échéait à ce roi d’aller en campagne[4]. Calvisius ne manque pas d’observer qu’Aristodémus y alla l’an 3 de la 96e. olympiade, à cause du bas âge d’Agésipolis [5]. Voici en quoi il se trompe : c’est qu’il met la première année de son règne à l’an 2 de la 96e. olympiade, et la guerre d’Argos trop peu après la mort de Pausanias, roi de Macédoine.

(E) Voyez ce que je critique à M. Moréri. ] « Agésipolis fut surpris d’une fièvre ardente, et revint toujours à la fraîcheur des eaux d’un certain temple de Bacchus qui était à Aphite ; il s’y fit porter, et mourut le septième jour de sa fièvre, après être sorti de ce temple, pour ne le point souiller par sa mort. » Ce sont les paroles de M. Moréri. Il y aurait de l’injustice à critiquer l’expression revint toujours à la fraîcheur ; car il est aisé de voir que les imprimeurs ont mis revint au lieu de rêvant[6]. Mais on peut dire deux choses. L’une, qu’il aurait fallu s’exprimer ainsi : Se souvenant du temple de Bacchus, qu’il avait vu à Aphite, il souhaita de jouir de l’ombre et de la fraîcheur des eaux claires de cet endroit-là. Il y fut porté en vie, mais il mourut hors du temple, le septième jour de sa fièvre[7]. En second lieu, c’est une glose chimérique que de nous venir conter que, par un respect religieux pour la sainteté du temple, il ne voulut pas y mourir. Xénophon, ou quelque autre auteur digne de foi, ont-ils dit cela ? Pour n’en faire pas à deux fois, critiquons ici la faute que M. Moréri a faite dans l’article d’Agésipolis II. Il assure que ce prince, ayant été en otage durant sa jeunesse, répondit à ceux qui lui en faisaient reproche, c’est parce que les rois portent les défauts de leur empire. Cette réponse est aussi fausse que contraire à ce bon mot,

Quicquid delirant Reges, plectuntur Achivi[8],
c’est-à-dire,
Les Princes font les folies, et leurs sujets en portent la peine.


Voici le fait. On lui dit un jour : Tout roi que vous êtes, vous avez été en otage avec les principaux de la jeunesse de Lacédémone ; vos femmes et vos enfans n’y ont point été. C’est parce qu’il était juste, répondit-il, que nous portassions nous-mêmes la peine de nos propres fautes[9].

(F) Agésilaüs ne fut point aise de cette perte, comme on l’aurait cru. ] Xénophon nous porte à croire qu’il régnait entre ces deux princes une émulation fort propre à produire l’inimitié. Mais Plutarque nous les représente comme fort unis. Il observe qu’Agésipolis, doux et modeste, et s’intrigant peu dans les affaires publiques, se laissa gagner par son collègue Agésilaüs[10], qui, le connaissant de complexion amoureuse, lui parlait toujours de beaux garçons, et le poussait de ce côté-là, et l’y servait même. Εἰδὼς ἔνοχον ὄντα τοῖς ἐρωτικοῖς τὸν Ἀγησίπολιν, ὥσπερ ἦν αὐτὸς, ἀεί τινὸς ὑπῆρχε, λόγου περὶ τῶν ἐν ὥρᾳ· καὶ προῆγε τὸν νεανίσκον εἰς τοῦτο, καὶ συνήρα καὶ συνέπραττε[11]. Qui autem teneri sciret Agesipolim, sicut se, amoribus, sermonem assiduè de formosis adolescentibus inferebat, codem illum impellebat, sociusque erat ei in amore et adjutor. Il ajoute que cette espèce d’amour n’avait rien de criminel à

  1. Sethi Calvisii Chronol., ad ann. mundi 3557, pag. 162.
  2. Diodorus Sicul., lib. XIV, cap. XC, p. 637.
  3. Xenophon, de Reb. gestis Græcor., lib. IV, pag. 301. Pausanias, lib. II, pag. 86.
  4. Xenophon, de Reb. gestis Græcor., lib. IV, pag. 301.
  5. Calvisius, Chronol., pag. 160.
  6. On a mis rêvant dans les éditions de Hollande.
  7. Voyez Xénophon, liv. IV, p. 329, 330.
  8. Horat. Epist. II, lib. I, vs. 14.
  9. Plutarch. in Apophth. Laconic., p. 215,
  10. Plut. in Agesilao, pag. 607, A.
  11. Plut. in Agesilao, pag. 607, A.