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AGRICOLA.

un esprit dangereux et un grand brouillon. Il faisait l’empressé pour pacifier les choses, et n’épargnait point dans les conférences que l’on tenait sur ces matières le don de langue dont il était pourvu ; mais il n’accommodait rien. Il mourut à Berlin en 1566. Il avait été surintendant [a] de la Marche de Brandebourg [b]. On dit qu’il aurait voulu ramener l’usage des saintes huiles envers les malades, et qu’il ne doutait point que les guérisons miraculeuses n’y eussent été attachées comme anciennement [c]. Il ne fit que peu de livres (C). On outre les choses quand on dit qu’il rentra dans la papauté (D).

  1. C’est ainsi qu’on nomme parmi les luthériens les ministres qui ont l’inspection sur plusieurs églises.
  2. Micrælius, Hist. Eccles., pag. 733. Edit. ann. 1679.
  3. Melch. Adam, Vit. Theolog., p. 411.

(A) Luther... avait été son bon ami. ] Ils étaient de la même ville. Nous trouvons qu’Agricola servit de secrétaire à Luther dans la conférence de Leipsick, en 1519[1], et qu’il fut envoyé à Francfort en 1525[2], avec une lettre de Luther aux magistrats, pour y être l’un des ministres de l’Évangile. L’auteur que je cite[3] censure M. Varillas, qui a dit que Luther n’entreprenait rien de considérable sans Agricola. C’est pousser la chose trop loin, et l’on ne saurait donner des preuves de ce fait-là.

(B) Il choisit ce dernier parti. ] Il y a quelque apparence qu’il se porta à cette bassesse par ces deux raisons. Premièrement, il ne voyait rien à espérer du jugement de son procès ; il ne pouvait le gagner, sans que Luther fût déclaré calomniateur de ses frères. Or, il aurait fallu être le plus crédule de tous les hommes pour espérer de gagner en Saxe un procès à ce prix-là. Les peuples auraient lapidé les juges qui auraient flétri de la sorte la réputation du réformateur. L’Église, eût-on dit, a besoin de la bonne renommée de Luther ; les papistes tireraient trop d’avantage de sa flétrissure. N’avons-nous pas vu des gens qui ne sont que des pygmées en comparaison de Luther, se dérober par cette voie aux peines canoniques qu’ils méritaient ? La seconde raison d’Agricola fut apparemment qu’il craignait de perdre, en ne se soumettant pas, le quartier de gages qui lui était dû. Lisez ce qui suit : Neque tamen hoc scripto statìm, ut speraverat, Luthero de verâ conversione suâ fidem fecit ; id quod ipse Agricola literis d. 19. decemb. apud electorum Saxoniæ queritur, nihilque totâ vitâ sibi gravius accidisse quàm simultatem illam cum viro Dei quem ipse patris loco veneratus sit, et in cujus obsequio mori velit, apud quem tamen nihil proficiat ne juramenti quidem oblatione, ideò se Deo causam committere. Petit tamen ut sibi, ad alendam uxorem novemque liberos, trimestre, quod restare sibi dicit, salarium non denegetur, se enim id diligenti lectione promeritum[4].

(C) Il ne fit que peu de livres. ] L’Explication de trois cents proverbes allemands fut un des premiers. Il y maltraita beaucoup Ulric, duc de Wirtemberg[5]. On en fit des plaintes qui obligèrent l’auteur à reconnaître sa faute dans une lettre fort soumise. Cela n’empêcha point que le duc Ulric n’alléguàt, entre autres griefs, à la diète de Francfort, l’an 1536, que l’on protégeait dans le comté de Mansfeld Jean Agricola, dont il avait été maltraité par des médisances publiques[6]. L’auteur augmenta de plus de quatre cents proverbes son ouvrage : dans la seconde édition. Il fit des Commentaires sur saint Luc ; il réfuta l’explication du psaume dix-neuvième, publiée en allemand par Thomas Muncer, etc.[7][* 1].

(D) Il ne rentra pas dans la papauté. ]

  1. * Joly cite les titres de trois autres ouvrages d’Agricola.
  1. Seckendorf, Hist. Luth., lib. I, pag. 92, lit. r.
  2. Ibid., pag. 243, lit. c.
  3. Seckendorf, Hist. Luth., lib. III, pag. 306, num. 1.
  4. Seckendorf, Hist. Luther., pag. 310, num. 16.
  5. Idem, lib. II, pag. 135.
  6. Seckendorf, Hist. Luther., p. 142, lit. b.
  7. Melch. Adam, Vit. Theolog., pag. 411.