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AGRIPPA.

On aura lieu d’être surpris de leurs bévues, et de l’effet qu’ils ont produit, nonobstant la négligence avec laquelle ils ont recherché les faits. Après tout, s’il a été magicien, il est une forte preuve de l’impuissance de la magie ; car jamais homme n’a échoué plus de fois que lui, ni ne s’est vu plus souvent que lui dans la crainte de manquer de pain. Les financiers de François Ier. et ceux de Charles-Quint étaient sans doute très-persuadés de son innocence à cet égard, vu la manière dont ils le jouaient quand il s’adressait à eux pour toucher ses gages. Il y a des erreurs de fait dans les moyens dont quelques-uns se sont servis pour faire son apologie (Q). M. Moréri s’est déclaré hautement pour lui, et c’est ce qu’on ne devait pas attendre de sa plume. Ses fautes ne sont pas nombreuses dans cet article (R). Nous avons déjà marqué les principaux livres d’Agrippa, et nous en parlerons plus en détail dans les remarques. Il suffit d’ajouter qu’il a fait un Commentaire sur l’art de Raymond Lulle, et une Dissertation sur l’origine du péché, où il établit que la chute de nos premiers pères vint de ce qu’ils s’aimèrent impudiquement. Il promettait un ouvrage contre les Dominicains (S), qui aurait réjoui bien des gens, et hors de l’Église romaine et dans l’Église romaine. Il eut quelques opinions qui n’étaient pas de la routine (T), et jamais protestant ne parla avec plus de force que lui contre l’audace des légendaires [a].

Il ne faut pas oublier la clef de sa Philosophie occulte. Il la gardait uniquement pour ses amis du premier ordre, et il l’expliquait d’une manière qui n’est guère différente des spéculations de nos quiétistes (V). Disons aussi que l’édition de ses œuvres, faite à Lyon, en deux volumes in 8°., est mutilée dans un endroit[* 1] qui pouvait déplaire aux gens d’église (X).

  1. * Ce n’est pas dans un endroit seulement que cette édition d’Agrippa est mutilée. Schelhorn, dans ses Amœnitates litterariæ, II, 521, a restitué beaucoup d’autres passages. Joly pense que ce fut Agrippa lui même qui avait fait ces retranchemens. Il s’appuie sur une édition posthume de Cologne, 1575, in-12, au frontispice de laquelle on lit : Ex postremâ authoris recognitione. Joly repousse l’idée que cette annonce ne soit qu’une fourberie de librairie.

    Cet article Agrippa a fourni, au reste, plus de treize pages de remarques à Joly, qui y revient encore dans ses additions et corrections ; mais c’est pour mettre des restrictions à l’éloge qu’il a fait d’Agrippa.

  1. Voyez la préface de son Traité de la Monogamie de sainte Anne, Operum tom. II, pag. 1053.

(A) Grand magicien, si l’on en croit bien des gens. ] Paul Jove, Thevet et Martin Del Rio, sont ses principaux accusateurs. Nous verrons dans la remarque (P) les bévues où ils sont tombés. Elles sont palpables ; et néanmoins une infinité de personnes se persuadent encore aujourd’hui, sur l’autorité de ces écrivains, qu’Agrippa était consommé dans la science du grimoire.

(B) D’une famille noble et ancienne. ] Elle s’appelait de Nettesheym. M. Teissier, à la page 99 du IIe. tome de ses additions aux éloges tirés de M. de Thou, assure qu’Agrippa était natif de Nettesheim, dans le pays de Cologne. Melchior Adam, qu’il cite, ne dit point cela : il le fait naître à Cologne même[1], et nous renvoie à une lettre d’Agrippa, où on lit ces propres paroles adressées aux magistrats de Cologne : Possem vobis horum verissima exempla

  1. Melch. Adami Vitæ Med., pag. 16.