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AGRIPPA.

cium ingenio meo diutiùs abutatur, nec in has nugas ulteriùs impingere cogar, qui multò felicioribus studiis illi inservire queam[1]. Mais le pis fut que ces sottises faisaient découvrir des prospérités pour le parti odieux. « Rediit in mentem scripsisse me seneschallo, comperisse me in Borbonii natalitiis revolutionibus illum frustratis vestris exercitibus etiam in hunc annum victorem fore..….. dixique intra me : O infelix propheta ! hoc vaticinio jam omnem principis tuæ gratiam concacâsti : hoc est ulcus, hic antrax, hic carbo, hic cancer ille, quem noli me tangere dicunt, quem tu imprudens tetigisti etiam cauterio[2]. » Ceux qui savent la carte de ce temps-là voient fort bien que notre astrologue ne pouvait pas faire plus mal sa cour à la mère de François Ier. qu’en promettant de bons succès à ce connétable. Agrippa fut dès lors regardé comme un bourboniste[3]. Pour réfuter ce reproche, il représenta le service qu’il avait rendu à la France en détournant quatre mille bons fantassins de suivre le parti de l’empereur, et en les attachant à celui de François Ier. Il allégua le refus qu’il fit des grands avantages qu’on lui promettait quand il sortit de Fribourg, en cas qu’il voulût entrer au service du connétable. Il paraît par la IVe. et par la VIe. lettre du Ve. livre, qu’il avait des correspondances étroites avec ce prince au commencement de l’année 1527. Il lui donnait des avis et des conseils, refusant pourtant de l’aller joindre, et lui promettait la victoire. Il l’assura que les murailles de Rome tomberaient dès les premières attaques : il n’oublia que le principal ; c’est que le connétable y serait tué : Jam fata illis propinquam stragem suamque perniciem denunciant : mox illa superba mænia vix oppugnata corruere videbis. Eja ergò nunc, strenuissime princeps, quem tantæ victoriæ ducem fata constituunt, rumpe moras, perge intrepidè quò cœpisti prosperè, aggredere fortiter, pugna constanter, habes electissimorum militum armatas acies : adest cœlorum fasor, aderit et justi belli vindex Deus ; nihil formidaveris, ingens siquidem temanet gloriæ triumphus [4]. La mort de ce connétable, arrivée avant qu’Agrippa sortît de Lyon, me fait songer à trois fautes de Melchior Adam. Il dit qu’Agrippa, attiré premièrement par le connétable, et puis par le chancelier, s’en alla à la cour de Bourgogne, et se trouva peu après fort malheureux, à cause de la mort de ces deux patrons. C’est tomber trois fois dans l’anachronisme. 1°. Le connétable était mort avant qu’Agrippa sortît de France, et jamais il n’avait songé à l’attirer à la cour de la princesse Marguerite[5]. 2°. Le chancelier Gattinara le voulut bien attirer, mais ce fut à la cour de Charles-Quint ; et c’était une vocation qu’Agrippa distinguait fort clairement de celle qui lui était proposée par rapport à la cour de Marguerite [6]. 3°. Il était déjà dans le Pays-Bas lorsque ce chancelier lui faisait faire des propositions.

(L) Agrippa se voyant cassé, murmura, pesta, menaça. ] Il avait usé de menaces avant même qu’on lui ôtât sa pension : le dépit de n’être point payé de ses gages et de se voir méprisé lui fit dire qu’il se porterait à faire quelque méchant coup : Crede mihi, écrit-il à un ami[7], eò se inclinant res meæ atque animus, ni tuis precibus illiusque celeri adjuver auxilio, malo aliquo utar consilio, siquidem et malis artibus nonnunquàm bona fortuna parta est. Après qu’il eut su sa destitution, il écrivit plusieurs lettres foudroyantes, et menaça de faire des livres où il découvrirait tous les défauts des courtisans qui l’avaient perdu[8]. Il se porta jusqu’à dire brutalement qu’il tiendrait désormais la princesse dont il avait été conseiller et médecin, pour une cruelle et perfide Jesabel : Nec ultra illam ego pro principe meâ (jam enim esse desiit), sed pro atrocissimâ et perfidâ quâdam Jesabele mihi habendam decrevi [9]. Que n’aurait-il point fait

  1. Epist. XXIX libri IV, pag. 854.
  2. Agippa, Epist. LXII libri IV, pag. 880.
  3. Ibid., pag. 831.
  4. Epist. VI libri V, pag. 900. Cette lettre fut écrite de Lyon, le 30 mars 1527.
  5. C’est celle que l’on entend par la Cour de Bourgogne.
  6. Agrippa, Epist. LXXXIV libri V, p. 951.
  7. Epist. XXV libri IV, pag. 850.
  8. Voyez la LIIe. et la LXIIe. du IVe. livre.
  9. Epist. LXII, lib. IV, pag. 884. Voyez la LIIe. Lettre du livre V, toute pleine de fu-