Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/419

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
373
ALCÉE.

chez Keerberge, en 1611[1]. Le P. Sotuel, avec l’édition de 1614, ne marque que les deux dernières de Nicolas Antonio, et continue de dire que l’autre volume a été posthume. Sa révision d’Alegambe n’a donc pas été aussi exacte qu’elle devait l’être.

  1. Draud. Bibliotheca Classica, pag. 22.

ALCÉE, natif de Mitylène ; dans l’île de Lesbos, a été un des plus grands poëtes lyriques de l’antiquité. Il y en a qui veulent qu’il ait été l’inventeur de cette espèce de poésie[a]. Il florissait dans la 44e. olympiade[b], en même temps que Sappho, qui était de Mitylène aussi-bien que lui. La chronique scandaleuse (A) dit qu’Alcée s’avisa un jour de demander je ne sais quoi à Sappho, et que Sappho, qui n’était pas ce jour-là de si belle humeur que d’ordinaire, lui refusa ce qu’elle lui offrit peut-être le lendemain[c]. Quoi qu’il en soit, il se mêla d’autre chose que de vers : il voulut donner des preuves de son courage à la guerre, et n’y fut pas tout-à-fait heureux ; car il ne se sauva qu’en fuyant et qu’en abandonnant ses armes, lorsque les Athéniens gagnèrent une bataille contre ceux de Lesbos[d] ; mais il trouva dans cette disgrâce une assez douce consolation, puisque les vainqueurs firent appendre ses armes au temple de Minerve à Sigée : ce qu’ils n’eussent point fait avec cette distinction, s’ils n’eussent jugé qu’elles seraient un monument très-glorieux de leur victoire[e]. Alcée n’oublia point cette circonstance dans les vers qu’il fit sur le malheur qui lui était arrivé (B). Sa muse, à laquelle il donnait de l’occupation au milieu des armes, soit pour des chansons à boire, soit pour des chansons d’amour, et pour louer la personne qu’il aimait[f], qui n’était que trop une aide semblable à lui (C) : sa muse, dis-je, ne garda point le silence sur la défaite des Lesbiens. On sait d’ailleurs qu’elle ne badinait pas toujours, et qu’elle pouvait traiter noblement les matières les plus graves (D), et surtout un beau lieu commun contre les tyrans. Alcée suivait alors une pente fortifiée par ses propres aventures et par ses intérêts personnels ; car il avait été aux prises avec ceux qui avaient voulu empiéter sur la liberté de sa patrie, et nommément avec Pittacus (E) : qui ne laissa pas de devenir usurpateur, quoiqu’il ait été un des sept sages de la Grèce. Il remit en liberté Alcée, qui était devenu son prisonnier, et dit que la rémission d’un crime vaut mieux que le châtiment[g]. Il y en a qui disent qu’Alcée fut chassé avec beaucoup d’autres ; mais qu’enfin il se mit à la tête de ces exilés, fit la guerre aux tyrans, et les chassa[h]. Je ne trouve dans Denys d’Halicarnasse, sinon que les habitans de Mitylène élurent Pittacus pour leur chef, contre le poëte Alcée et ses

  1. ......Dic Latinum,
    Barbite, carmen
    Lesbio primùm modulate civi.

    Horat. Od. XXXII, lib. I, vs. 3.

  2. Euseb. in Chronic.
  3. Le Fèvre. Vie des Poëtes grecs, p. 27.
  4. Herod., lib. V, cap. XCV.
  5. Là même.
  6. Horace. Je rapporte ses paroles ci-dessous dans la remarque (C).
  7. Heraclitus, apud Diogenem Laërt. in Pittaco, lib. I, num. 76.
  8. Dacier, sur l’Ode XIII du IIe. livre d’Horace.