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ALDROVANDUS.

l’hôpital de Boulogne, chargé d’années[a] et aveugle, l’an 1605[b]. C’est un exemple bien parlant contre l’ingratitude du public (B), et même contre l’excessive curiosité des particuliers. Il y aurait mille réflexions et mille beaux lieux communs à pousser sur cette aventure : je les laisse à quiconque s’en voudra saisir, et me contente de cette petite observation ; c’est que l’antiquité ne nous fournit point d’exemple d’un dessein aussi étendu et aussi laborieux que celui de notre Ulysse à l’égard de l’histoire naturelle. Pline, je l’avoue, s’est répandu sur plus de sortes de sujets ; mais il ne fait qu’effleurer : il ne dit que peu de mots sur chaque chose, au lieu qu’Aldrovandus ramassait tout ce qui se pouvait rencontrer[c]. compilation comprend plusieurs gros volumes in-folio ; mais il ne faut pas lui en attribuer toute la gloire (C) ; car il y a tel volume qui a paru après sa mort, dans lequel on ne croit pas qu’il ait autre part que celle d’avoir fourni le modèle (D), ou tout au plus quelques mémoires informes. J’explique cela dans les remarques. Il ne paraît pas possible qu’il ait fuit le prodigieux nombre de livres dont Impérialis a donné le catalogue[d] ; et il n’est pas étrange qu’occupé à tant de recherches qui emportent toute l’attention, il ait donné souvent pour des vers ce qui était très-contraire aux règles de la poésie [e], et qu’il n’ait point su beaucoup de grec[f]. Un poëte qui a été pape l’a loué d’une manière très-bien tournée (E).

  1. Ballart, Académie des Scienc., tom. II, pag. 110, lui donne quatre-vingts ans.
  2. Mercklinus, Lindenii renovati p. 1047.
  3. Voyez la remarque (D).
  4. In Musæo Historico. Voyez aussi le Theâtre de Paul Freherus, pag. 1317.
  5. Vossius de Origine Idololatr., lib. III, cap. XCI, pag. 1227.
  6. Ezech. Spanhem. apud Konig. Biblioth., pag. 24.

(A) Il employa, pour avoir des figures exactes des animaux, les plus excellens artistes de l’Europe. ] Voici ce qu’Aubert-le-Mire avait recueilli sur ce sujet : Pictori cuidam, eâ in arte unico, triginta et amplius annos annuum aureorum ducentorum stipendium persolvit. Delineatores celeberrimos, Laurentium Benninum Florentinum, et Cornelium Suintum Francofurtensem, ære sun conduxit, nec non Jacobi Ligotii, Serenissimi Etruriæ Ducis pictoris eximii, opera in hâc eâdem provinciâ Florentiæ quandoquè usus est, ut quo maximo fieri posset artificio aves eæ designarentur. Tandem sculptorem habuit insignem Christophorum Coriolanum Norimbergensem, atque ejus nepotem, qui eas adeò venustè adeòque eleganter exsculpserat, ut non in ligno sed in ære factæ videantur[1].

(B) C’est un exemple bien parlant contre l’ingratitude du public. ] ne faut pas s’imaginer que personne n’ait secouru ce naturaliste dans les dépenses qu’il faisait. Le sénat de Bologne, le cardinal Montalte, François Marie duc d’Urbin, et quelques autres des principaux de l’Italie, y contribuèrent avec joie, en fournissant de leurs deniers à l’entretien des peines et des graveurs qu’Aldrouand avait sous lui... Après avoir dédié douze livres de l’Ornithologie, ou Histoire des oiseaux, au pape Clément VIII, et quelques autres à ceux qui avaient favorisé son travail de leurs libéralités, il consigna le reste par son testament au magnifique sénat de Bologne.…, qui assigna une somme d’argent considérable à Jean Corneille Uterverius, natif de Delft en Hollande, professeur en cette université et depuis encore à Thomas Demster, gentilhomme écossais, aussi professeur au même lieu, pour recueillir et mettre

  1. Aubert Miræus, de Scriptorib. Sæc. XVI, pag. 154.