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ALEXANDER AB ALEXANDRO.

fils de Ferdinand Ier.[1], c’est-à-dire, jusqu’à l’an 1504 ; outre qu’il parle de Jovien Pontan, comme d’une personne qui n’est plus[2]. Or, Jovien Pontan n’est mort qu’en l’année 1505[* 1]. C’est à quoi n’ont pas pris garde ceux qui ont placé la mort de notre Alexander à l’an 1494, en quoi M. Moréri leur donne beaucoup plus de témoignages de son approbation, que de son incertitude[* 2].

(C) Voici la raison qu’il allègue pourquoi il renonça à la profession d’avocat. ] Je crois que pour en montrer toute la force, je suis obligé de la rapporter dans les propres termes de l’auteur. Quæ cùm viderem, dit-il [3], patronisque contra vim potentiorum aut gratiam nihil præsidii esse, nihil opis, frustrà nos in legum controversiis et ediscendis tot casuum varietatibus tam pensiculatè editis, tantum laboris et vigiliarum suscipere, tantoque nos studio fatigari dicebam, cùm ad ignavissimi impurissimique cujusque temeritatem, qui juri dicendo præsideret, quem leges virum bonum esse volunt, non æquo jure sed ad gratiam et libidinem judicia ferri, decretaque legum tanto consilio edita convelli et labefactari viderem. Il fit beaucoup mieux d’abandonner le barreau que d’imiter quelques autres avocats, qui, ayant perdu plusieurs bonnes causes, prennent le parti de se charger des plus mauvaises. Je lisais l’un de ces jours, qu’un avocat des plus fameux de ce siècle[* 3], à qui ses confrères demandaient pourquoi il se chargeait de méchantes causes, leur répondit en riant, que c’était qu’il en avait perdu quantité de bonnes. C’est une mauvaise excuse, poursuit l’auteur : un avocat, qui, après avoir examiné une cause, la trouve insoutenable, est obligé de l’abandonner [4]. J’ai trouvé un autre endroit dans le livre d’Alexander ab Alexandro, qui marque la droiture de son cœur[5]. Un de ses amis, voyant qu’il ne poussait point sa fortune, lui conseilla de se servir des expédiens qui avaient si bien réussi à tels et à tels qu’il lui nommait ; c’étaient toutes personnes que la faveur avait élevées aux honneurs et aux prélatures, malgré le mérite de leurs concurrens, et qui étaient parvenues à la faveur par des voies illégitimes. Notre auteur n’ignorait pas ces exemples, et il en savait de pires. Il avait vu, dans sa jeunesse, un fort honnête homme, savant et en latin et en grec, qui, n’ayant fait que lutter contre une extrême pauvreté pendant qu’il se fiait à sa vertu et à sa science, se résolut de tenter une autre voie : il se jeta dans un si vilain métier, qu’on n’oserait le nommer ; et peu après, le voilà riche et puissant, et pourvu de bons bénéfices : Eò vesaniæ processit, ut coactus inopiâ obscænis et libero homine indignis artibus vacaret (quibus verò artibus non libet dicere : ita fœdæ et pudendæ sunt,) confectaque fuit sibi res ex sententiâ, namque haud multò post et sacerdotio et opibus auctus, affluens et beatus tranquillissimè vitam egit[6]. Mais ces exemples n’ébranlèrent point notre avocat : il aima mieux se contenter de sa médiocrité, que de risquer sa conscience : Longè igitur multùmque præstat, satiùsque fuit uti ingenio meo, vacuumque his molestiis modico civilique cultu contentum esse, neque in ambitionem non necessariam incurrere, quàm bona animi, si qua sibi homo studio et labore paravit, ea turpi quæstu pessimo exemplo fœdare [7]. Le conseil qu’on lui donnait ressemble fort à celui-ci :

Aude aliquid brevibus Gyaris et carcere dignum,
Si vis esse aliquis. Probitas laudatur et alget[8].


Il dédia son livre au duc d’Atri. Ce duc était fort savant, comme nous le dirons sous Aquaviva.

(D) Il n’y a presque aucun auteur de son temps qui fasse mention de lui. ]

  1. * Leclerc, d’après Paul Jove, fixe au mois d’août 1503 la mort de ce personnage.
  2. * Le Duchat, d’après la Bibl. latina de Fabricius, dit qu’Alexander mourut à Rome le 2 octobre 1523, à soixante-deux ans.
  3. * Cet avocat était, dit Leclerc, Bonaventure Fourcroy.
  1. Alex. ab Alex. Gen. Dier. lib. III, cap. XV, sub fin., pag. 736.
  2. Id. ibid., lib. I, cap. I.
  3. Id. ibid., lib. VI, cap. VII.
  4. Journal des Savans, 1690, pag. 301, édit. de Hollande.
  5. Alex. ab Alex. Gen. Dier. lib. VI, cap. XVI.
  6. Id. ibid.
  7. Alex. ab. Alex. Gen. Dier. lib. VI, cap. XVI.
  8. Juven. Sat. I, vs. 53.