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ALTING.

ses collègues. Alting conçut sans doute bien des espérances peu après son retour à Heidelberg. Les troubles de Bohême valurent une couronne à l’électeur palatin ; mais ces beaux commencemens furent suivis d’une affreuse ruine. Tilli prit d’assaut Heidelberg au mois de septembre 1622, et y laissa commettre tous les désordres qu’on se peut imaginer (C). Alting, échappé comme par miracle à la fureur du soldat (D), alla trouver sa famille qu’il avait envoyée depuis quelque temps à Heilbron. Il la rejoignit à Schorndorf, et eut de la peine à y pouvoir séjourner durant quelques mois : les ministres luthériens exerçaient contre lui le dogme de l’intolérance (E). Il se retira avec sa famille à Embden, l’an 1623, et fut d’abord saluer le roi de Bohême à la Haie. Ce prince le retint auprès de lui pour l’instruction de son fils aîné [a], et ne voulut point consentir qu’il s’engageât à servir l’église d’Embden, qui le demandait pour ministre, ni l’académie de Franeker, qui, en 1625, lui offrit la place de professeur en théologie, que la mort de Sibrant Lubbert avait fait vaquer. Ce prince consentit avec peine, l’année suivante, qu’il acceptât une profession en théologie à Groningue. Alting en prit possession le 16 de juin 1627, et ne la quitta qu’avec la vie. Il est vrai qu’il était parfaitement résolu, en 1633, de changer Groningue contre Leide ; mais il s’était réservé cette condition, que les états de Groningue y consentiraient ; or, c’est ce qu’ils ne firent pas. Il est vrai encore qu’il avait prêté l’oreille aux propositions que le prince Louis Philippe [b] lui fit faire en 1634, de venir rétablir l’académie d’Heidelberg et les églises du Palatinat ; et qu’il s’était déjà avancé jusqu’à Francfort, au travers de mille périls ; mais la bataille de Norlingen, gagnée par les Impériaux, fit évanouir cette entreprise. Il fallut qu’il s’en retournât à Groningue par des chemins détournés. Il ne paraît dans son histoire aucune autre envie de transmigration. Les dernières années de sa vie furent un temps très-fâcheux ; les chagrins et les maladies le persécutèrent cruellement. Il eut tant de regret de la mort de sa fille aînée, en 1639, qu’il en tomba dans une opiniâtre mélancolie qui lui causa une fièvre quarte, dont il ne guérit qu’avec mille peines, et encore n’en guérit-il qu’imparfaitement ; car les restes de la maladie dégénérèrent l’an 1641, en une fâcheuse léthargie. Cent combats livrés par les médecins à ce mal l’avaient à peine chassé, qu’il survint une affliction domestique qui ramena plus que jamais l’infirmité corporelle. Altung perdit sa femme l’an 1643, et en conçut tant de chagrin, qu’il ne fut plus capable de surmonter la mélancolie. Il ne fit presque, depuis cette solitude jusqu’au jour de sa mort, que passer d’infirmité en infirmité. Il mourut chrétiennement et dé-

  1. Qui périt sur la mer de Haerlem, le 7 de janvier 1629.
  2. Il était administrateur du Palatinat, et il offrit en 1633 à Alting une place de professeur en théologie, et de sénateur ecclésiastique.