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ALTING.

proximi (Scultetus et Altingius), ægrè tandem toto corpore madentes, salvi tamen divinâ clementiâ in proximam ripam evaserunt[1]. Sa vie, amplement écrite par Ubbo Emmius, est entre les papiers de ses héritiers[2].

(B) Il a été précepteur du prince électoral palatin : on en peut trouver des preuves dans la Bibliothéque Vaticane. ] On y conserve les thèmes du roi de Bohème, corrigés de la main d’Alting ; et on les montre aux voyageurs, à ce que dit l’auteur de la Vie de ce professeur. Il ajoute, que ces monumens ne sont pas moins dignes d’être montrés aux curieux, que la plupart des reliques qu’on leur montre : Hujus magisterii ejus ne unquàm apud posteros intestata queat esse industria, vel Roma, quod miremur, faciet, quæ in Bibliothecâ Vaticanâ inter Heidelbergensia cimelia, dicam an spolia, ostentat themata et exercitia styli regis Bohemiæ, Altingii manu emendata, eruditis peregrinatoribus minimèque superstitiosis visenda, atque non minùs credo, quàm pleræque ipsorum reliquiæ ἄξιοθέατα, digna spectatu[3].

(C) On commit, dans la prise d’Heidelberg, tous les désordres qu’on se peut imaginer. ] On pilla, on tua, on viola, on gêna ; en un mot, on n’oublia rien de tout ce que la fureur du soldat, animée par le faux zèle de religion, est capable de commettre : Urbs.... impetu et vi capta, omniaque dira exempla passa direptionis, lanienæ, libidinis, quæ militaris licentia, victoris insolentia, odium religionis, barbarorum Croatarum feritas comminisci potuêre aut patrare.... Eâ nocte insomni et mœstâ inter lamenta et ejulatus quibus omnia undique perstrepebant, aut sequioris sexûs vim patientis, aut virorum equuleis subditorum, ac per varia tormenta ac vulnera lentâ citâve morte affectorum, etc.[4]. Voilà les fruits ordinaires de la guerre : voilà de quoi faire trembler ceux qui l’entreprennent, ou qui la conseillent, pour remédier à des maux qui peut-être n’arriveraient jamais, et qui, au pis aller, seraient quelquefois beaucoup moindres que les maux qui suivent nécessairement une rupture. Nous aurons lieu de rapporter plus d’une fois les angoisses où de grands capitaines se sont vus réduits, lorsque leur conscience leur reprochait les ravages dont ils avaient été cause.

(D) Il échappa comme par miracle à la fureur du soldat. ] Les circonstances de son évasion méritent d’être rapportées. Il était dans son cabinet lorsqu’il apprit que l’ennemi, maître de la ville, commençait à la saccager. Il ferma le verrou de sa porte, et n’eut recours qu’à l’oraison. Un de ses amis, accompagné de deux soldats, fut l’avertir de se retirer par la porte de derrière chez le chancelier, dont la maison avait été mise sous une bonne sauvegarde, parce que le comte de Tilli voulait avoir en leur entier tous les papiers qui y étaient. Le lieutenant colonel du régiment de Hohenzollern gardait cette maison. Avec cette hache, disait-il, j’ai tué aujourd’hui dix hommes : le docteur Alting serait bientôt le onzième, si je savais où il est caché. Qui êtes-vous ? poursuivit-il, en adressant la parole à ce docteur. Alting ne fut pas si troublé, qu’il n’inventât sur-le-champ une réponse, qui n’était pas la plus fausse qu’il pouvait faire. J’ai été régent, répondit-il, dans le collége de la Sapience. L’auteur de son Éloge compare cette réponse à celle que fit saint Athanase : Sanè, dit-il, ille vultus, ille habitus, ille sermo, is rerum articulus quemvis alium percellere poterat : at noster imperterritus, solerti lamen usus responso, nec apertè se negavit Altingium, nec tamen intempestivè se prodidit, eâdem ferè quâ olim in casu simili sanctus Athanasius dexteritate usus, « Ego, inquit, ludimagister fui in collegio Sapientiæ. » Le lieutenant colonel lui promit de le sauver. Le lendemain, les jésuites prirent possession de la maison, et en firent décamper si vite cet officier, qu’il n’eut pas le temps de s’informer de son régent du collége de la Sapience. Alting se trouva donc entre les mains des jésuites ; mais il s’était sauvé dans un galetas ; et, par bonheur, un cuisinier de la cour électorale fut employé par le comte de Tilli, dont la cuisine fut logée dans la maison du chancelier.

  1. Vita Henr. Alting.
  2. Vita Jacobi Alting.
  3. Vita Henr. Alting.
  4. Ex Vitâ Henr. Alting.