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ABARIS

passage de M. du Maurier, qui les éclaircit. L’an 1618[1], dit-il, M. de Boissise eut commandement du roi de faire plainte en son nom aux états généraux d’un libelle diffamatoire écrit, signé et publié par François Aarsens, au grand scandale et déshonneur de messieurs du conseil de sa majesté, dont alors il ne put tirer aucune raison. Il y a de l’apparence que la plainte était fondée sur ce qu’on avait accusé le conseil de France de trahir le roi, en favorisant ceux qui machinaient en Hollande le retour de cette république sous le joug du roi d’Espagne ; car, s’il en faut croire du Maurier, le grand lieu commun de M. Aarsens, et le teste continuel de tous ses livres et des placards attachés aux coins des rues, était que la faction de Barnevelt s’entendait avec l’Espagne pour abolir la religion reformée et la liberté tout à la fois dans les Provinces-Unies. C’est ici que l’on peut dire, se non è vero, è ben trovato : rien ne confirmerait mieux que cette invention la profonde habileté de M. Aarsens.

(E) Ambassades extraordinaires en France et en Angleterre. ] Il eut cet emploi en Angleterre l’an 1620 et l’an 1641[2]. La première fois, il était le premier des trois ambassadeurs extraordinaires ; et il fut le second la dernière fois. Dans cette ambassade-ci, il eut pour collègues le seigneur de Bréderode, qui le précédait, et Heemsvliet, qui le suivait. Le sujet de l’ambassade était le mariage du prince Guillaume, fils du prince d’Orange. L’ambassade extraordinaire de France est de l’an 1624[3]. Comme M. le cardinal de Richelieu gouvernait nouvellement le royaume, et qu’il ignorait le mécontentement que les précédens avaient eu de cet ambassadeur, il en fit état, et le connaissant éclairé…, il s’en aida pour parvenir à ses fins. Aarsens fut envoyé l’an 1628 ou en France ou en Angleterre ; ne pouvant s’embarquer, à cause des glaces, il revint à la Haie. On prit à mauvais augure que des chiens l’eussent renversé. Aarsenius à canibus fortè occursantibus in terram dejectus malevolis occasionem præbuit sinistra ipsi ominandi[4].

(F) Regretter le temps. ] Du Maurier dit que François Aarsens mourut riche de cent mille livres de rente[5].

(G) Laissant un fils qui a passé pour le plus riche de Hollande. ] Il était gouverneur de Nimègue, et colonel d’un régiment de cavalerie. Il laissa deux fils, dont l’aîné, nommé François, seigneur de la Plaate, se noya, passant d’Angleterre en Hollande, l’an 1659, après un voyage de huit ans en divers endroits de l’Europe. L’autre, nommé Corneille, a porté le nom de Sommerdyck : il a été colonel dans les armées de Hollande, puis gouverneur de Surinam, où il fut tué par la garnison mutinée, l’an 1688. Il avait épousé la fille aînée de M. le marquis de Saint-André-Mombrun, dont il a eu plusieurs enfans, et qui est morte à la Haie l’an 1695, ou environ. De sept sœurs qu’il avait, il y en a trois qui ont été mariées à des personnes de qualité ; les quatre autres se sont jetées dans une dévotion superstitieuse avec un tel emportement, qu’elles ont suivi le sieur Labbadie, ministre schismatique, comme si c’eût été un apôtre[6].

  1. Du Maurier, pag. 362.
  2. Wicquef. de l’Ambassad. Tome I, pag. 650 et 750.
  3. Du Maurier, pag. 386.
  4. Barlæus, Epist. LXXVI, pag. 217.
  5. Du Maurier, pag. 377.
  6. Voyez les Mémoires de du Maurier, pag. 387, 390.

ABARIS, Scythe de nation (A), et fils de Seuthus. On en débitait tant de choses fabuleuses, qu’il semble qu’Hérodote même se fit un scrupule de les rapporter, et de s’en bien informer. Il se contenta de dire[a] qu’on disait que ce barbare avait porté une flèche par tout le monde, et ne mangeait rien. C’est n’avoir pas su la chose par son merveilleux ; car ceux qui l’ont sue de ce côté-là ont prétendu qu’Abaris était porté sur sa flèche au travers de l’air (B), comme sur un cheval Pégase ; et qu’ainsi les rivières, les mers et les lieux inaccessibles aux au-

  1. Herodot., lib. IV, cap. XXXVI.