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AMAMA.

légendes[a] : cet auteur, dis-je, déclare d’autre côté, qu’il croit fermement que ce saint a un pouvoir souverain sur les serpens, parce que tout le monde, depuis 1300 ans (A), assure en avoir vu des effets merveilleux.... ; et que d’ailleurs il a eu le bonheur d’en voir aussi lui-même[b]. Il doute beaucoup de la vérité d’une certaine tradition qui court à Riom sur ce grand saint, à savoir, que, quand il alla à Rome à pied, le soleil lui servit de valet, et lui porta en l’air ses gants et son manteau, en guise de parasol pendant la grande chaleur, et de parapluie pendant le mauvais temps[c]. Cette tradition passe pour si certaine en ce pays-là, qu’on ne dépeint presque jamais saint Amable dans aucun tableau sans ses gants et son manteau soutenus en l’air par un rayon du soleil. Credat Judœus Apelles[d], dit-il, non ego. Cela suffit, sans aucune réflexion de ma part, pour donner à cet article la forme que ce dictionnaire semble demander. Un simple récit de semblables choses est un recueil d’erreurs.

  1. Faydit, Suppl. à la Dissertat. sur le Sermon de saint Polycarpe, pag. 102.
  2. Là même, pag. 101.
  3. Là même, pag. 103.
  4. C’est ainsi qu’il orthographie. Horace, dans la Satire V du liv. I, vs. 100, dit Apella, qui est plus selon les règles de la quantité.

(A) Son pouvoir souverain sur les serpens est connu depuis 1300 ans. ] Ce calcul ne s’accorde pas exactement avec ce qu’on dit dans la page suivante, que saint Grégoire de Tours n’a vécu qu’environ cinquante ou soixante ans après saint Amable. Il n’est pas besoin de prouver que ces paroles ne veulent pas dire qu’il est né cinquante ou soixante ans après ce saint : il est assez évident qu’elles signifient qu’il était parvenu à l’âge d’homme lorsqu’il y avait cinquante ou soixante ans que saint Amable était mort. Selon cela, la mort de ce saint tomberait sur le commencement du VIe. siècle, car Grégoire de Tours n’a vécu qu’environ cinquante-deux ans, et il est mort l’an 594[1]. Or si vers la fin du XVIIe. siècle il y avait 1300 ans que l’on voyait les miracles du saint de Riom, il faudrait qu’il eût fleuri vers la fin du IVe. siècle ; et en ce cas-là, on ne peut pas dire qu’un homme âgé de vingt ans, en 562, ait vécu cinquante ou soixante ans après lui.

  1. Labbe, de Scriptor. Ecclesiast., tom. I, p. 398. La plupart mettent sa mort à l’an 596.

AMAMA (Sixtinus), professeur en langue hébraïque dans l’académie de Franeker, a été un fort savant homme. Il était de Frise, et il avait été disciple de Drusius (A). L’université de Leide, qui enlève autant qu’elle peut aux académies voisines leurs plus célèbres professeurs, en leur offrant des avantages plus considérables que ceux qu’ils possèdent, tâcha de l’ôter à l’académie de Franeker[a]. C’était pour remplir la place d’Erpenius, qui avait été l’un des plus habiles hommes de son siècle dans les langues orientales. Amama ne refusa point cette vocation ; mais d’autre côté il ne l’accepta pas absolument : il n’y donna les mains que pourvu que ses supérieurs de Frise lui accordassent son congé. Or c’est ce qu’ils ne firent pas[b] ; et sans doute ils améliorèrent de telle sorte sa condition, qu’il n’eut pas sujet de se repentir de n’être pas professeur à Leide. Le premier livre qu’il

  1. En 1626.
  2. Voyez l’Épître dédicatoire de l’Anti-Barbarus Biblicus.