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AMABLE.

le parti qui sait faire plus de vacarmes, et plus de fracas, il faut tenir la maladie pour incurable.

(I) Son application au rabbinisme l’exposa à une terrible injure. ] Il se vit traité de demi-juif, d’homme qui ne différait presque d’un juif que par le prépuce ; enfin d’homme qui se plaignait quelquefois de n’être pas circoncis, et à qui le prépuce pesait. L’occasion de ces injures fut qu’il avait soutenu que les points du nom tetragramme ne sont point propres à ce nom ; et qu’ainsi l’on n’en connaît pas la véritable prononciation, et qu’il ne faut point accuser de superstition judaïque ceux qui le lisent Adonaï. Voici le jugement que l’on fit de cette pensée : Impudentia est grammaticorum nonnullorum et filiorum Bicri negare ex superstitione judaïcâ oriri quòd in nomen aliter pronuncietur quàm legitur.... Sed per nos homines semi-judæi doctrinâ, studio, affectu, commercio, et qui solo ferè pondere præputii, et quo interdùm se gravari dolent distant à recutitis, insaniant ut libuerit...... Vestræ est impudentiæ, petulantiæ, et superbiæ in primo gradu, quod ausitis dicam scribere imperitiæ et ignorantiæ tot illustribus Ecclesiæ viris vobis etiam longè doctioribus, quòd id nominis enuncient et pronuncient uti scribitur[1]. Était-ce un sujet légitime de se mettre si fort en colère, et ne voit-on pas bien ici un exemple de ce qu’un philosophe païen a remarqué judicieusement ? Crede mihi, levia sunt propter quæ non leviter excandescimus, qualia quæ pueros in rixam et jurgium concitant. Nihit ex his quæ tam tristes agimus serium est, nihil magnum. Indè, inquam, vobis ira et infantia est, quòd exigua magno æstimatis. [2]. Que pourrait-on dire de plus fort contre un homme qui marchanderait son apostasie, et qui n’attendrait à se faire juif que la solution de trois ou quatre petites difficultés ?

  1. Oper. Altingii, tom. V, in Mantissâ, p. 426.
  2. Senec. de Irâ, lib. III, cap. XXXIV.

AMABLE, prêtre de Riom en Auvergne, dans le Ve. siècle, est loué par Grégoire de Tours, comme un homme admirable en sainteté, et qui faisait beaucoup de miracles[a]. Il commandoit, à ce qu’on dit, aux serpens : c’est ainsi que cet historien s’exprime ; mais il dépose sur un autre fait comme témoin oculaire. J’ai vu à son sépulcre, dit-il, un énergumène délivré : j’y ai vu un parjure devenu aussi roide qu’une barre de fer ; et après avoir confessé son crime, devenir libre comme il étoit auparavant [b]. Quand un homme comme Grégoire de Tours se sert d’un on dit, c’est un signe que la chose n’est pas fort certaine ; néanmoins l’empire sur les serpens[* 1] est ce qui passe pour le plus certain de tout ce que l’on attribue à saint Amable. On dirait que c’a été son apanage et son lot ; ou, pour parler en Mallebranchiste [c], que Dieu l’a établi cause occasionelle de la guérison de ceux que les serpens ont blessés. Un auteur moderne qui, tout chanoine qu’il est dans la ville dont saint Amable est patron [d], ne laisse pas d’avouer, qu’il ne croit pas tous les miracles qui sont rapportés de lui dans la Vie des Saints d’Auvergne, ni dans plusieurs autres

  1. * Sur cela, Joly rapporte un conte qu’il donne comme un fait, sur le pouvoir qu’avait contre les serpens un ruban de saint Amable, c’est-à-dire, qui avait touché à ses ossemens sacrés. Il a extrait cela d’une traduction de la Vie de saint Amable, par l’archiprêtre Juste, traduction qui parut en 1702, et qu’il reproche à Bayle de n’avoir pas connue.
  1. Grégoire de Tours, de la Gloire des Confess., chap. XXXIII.
  2. Je me sers de la version de l’abbé de Villeloin.
  3. Voyez l’abbé Faydit, Supplément à la Dissertat. sur le Serm. de saint Polycarpe pag. 30.
  4. Riom