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AMYOT.

qu’il donna cette charge à son précepteur ; mais rien n’est plus faux : il la lui donna le lendemain de son avénement à la couronne, avant que Catherine de Médicis eût goûté de la régence, et qu’elle eût fait bouquer bien des gens. Tout le monde sait que son pouvoir fut assez petit sous François II. Je ne laisse pas de dire que les réflexions de M. de Saint-Réal sur ces faits, considérées en elles-mêmes sont belles et bonnes. Quant à l’évêché d’Auxerre, il fut donné à Amyot, non l’an 1568, comme l’assure Du Peyrat[1], mais l’an 1570[2], après la mort du cardinal Philibert Babou, qui le possédait.

(F) Henri III voulut qu’en sa considération tous les aumôniers de France fussent à l’avenir commandeurs nés de l’ordre du Saint-Esprit. ] Voici ce que je trouve sur cela dans un autre auteur : Henri III, en l’année 1578, instituant l’ordre du Saint-Esprit, ordonna [* 1] en faveur d’Amiot, que son grand-aumosnier seroit associé au mesme ordre en titre de commandeur, et ses successeurs audit estat : lesquels toutes fois (dit-il) ne seront tenus faire preuve de noblesse, ce qu’il adjousta pour gratifier ledit Amiot, lequel n’estoit pas de noble extraction, mais qui entroit au temple de l’honneur par celui de la vertu[3]. Voyez dans du Saussai[4] la réponse de Henri III aux courtisans qui murmurèrent de la promotion d’un homme de si basse naissance. Le même auteur assure qu’Amyot dressa les statuts et les litanies, ou plutôt l’office de l’Ordre : Hujus statuta et horarias preces scitè et scienter composuit.

(G) L’esprit rebelle de ses diocésains lui causa mille chagrins. ] M. de Thou fait une remarque bien flétrissante[* 2] pour la mémoire de notre Amyot ; car il l’accuse d’avoir oublié les bienfaits dont les deux princes ses élèves l’avaient comblé, et d’avoir eu trop de complaisance pour la fureur séditieuse et ligueuse de ceux d’Auxerre. L’amour de l’étude et la vieillesse lui avaient fait prendre le parti de la résidence, et il n’eut pas la force de résister au torrent de la rébellion [5]. Sébastien Roulliard n’en parle pas de la sorte : il insinue qu’on le maltraita, à cause de sa fidélité. Les afflictions, dit-il[6], l’accueillirent à la sortie des estats de Blois l’an 1589, pource que, par la fureur des troubles qui pour lors s’échauffèrent, il fut tout volé et destroussé à my-chemin retournant à Auxerre, et qu’estant arrivé là, lui fut baillé beaucoup de peine par les habitans, voire par son clergé, pour les causes du temps. Enfin, petit à petit les affaires s’apaisèrent : tellement qu’il ne bougea d’icelui lieu, se plaignant toutesfois journellement de ce que la privation de ses biens et conmoditez du passé lui ostoit le plaisir de l’estude. Sainte-Marthe avoue bien les mauvais bruits qui avaient couru, mais il ne les croit pas véritables[7].

(H) Il mourut en 1593, courant sa soixante-dix-neuvième année. ] M. de Thou s’était adressé à des gens bien mal instruits sur le chapitre d’Amyot, puisqu’ils ne surent lui apprendre, ni quand il mourut, ni à quel âge. Il dit en général, qu’Amyot, dont il met la mort au mois de juillet 1591, avait passé soixante ans. Sainte-Marthe la met à l’an 1592 : Triennio post Henricum tertium detestabili parricidarum coitione sublatum è vivis excessit[8].

(I) Il se mêla de poésie, et n’y réussit pas. ] Sébastien Roulliard, son compatriote, l’épargnerait sans doute sur ce sujet, si cela était possible. Voici ce qu’il en dit : Quant au poëme latin qu’il fit sur le sacre du roi Charles IX, on reconnoist par icelui qu’il s’estoit fort addonné à la lecture d’Horace ; mais auroit esté peu adroit en son génie poétique[9]. La version des vers grecs en vers français, à laquelle Amyot se voulut assujettir dans son Plutarque, est affreuse. Charles IX la trouvait grossière, en quoi

  1. (*) L’ordonnance est rapportée au livre XVIII du Code Henri, tit. XI, du Saint-Esprit.
  2. * Leclerc trouve la remarque de de Thou sans fondement.
  1. Hist. Eccles. de la Cour, etc., p. 481.
  2. On s’est donc trompé dans la table de la Version de Fra-Paolo, où l’on a dit qu’Amyot alla ambassadeur à Rome, sous le nom d’évêque d’Auxerre, en 1562. L’évêque d’Auxerre, dont Fra-Paolo parle, n’était point Jacques Amyot.
  3. Guill. Du Peyrat, Hist. de la Cour, etc., pag. 385.
  4. De Scriptor. Ecclesiast., num. 52.
  5. Thuanus, de Vitâ suâ, lib. V, p. 1222,
  6. Roulliard, Antiquit. de Melun, p. 605.
  7. Sammarth. in Elogiis, pag. 96.
  8. Ibidem.
  9. Roulliard, Antiquit. de Melun, p. 614.