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ABDISSI.

sujets à ce patriarche avaient été instruits à la foi par les apôtres saint Thomas et saint Thadée, et par un de leurs disciples nommé Marc ; que leur créance était tout-à-fait semblable à la romaine ; qu’ils avaient les mêmes sacremens et les mêmes cérémonies ; qu’ils en gardaient des livres écrits dès le temps des apôtres ; que ce patriarchat s’étend jusque dans le cœur des Indes, et comprend beaucoup de peuples, les uns sujets du Turc, les autres du sophi de Perse, les autres du roi de Portugal. L’ambassadeur de ce dernier protesta tout aussitôt que les évêques orientaux qui étaient sujets du roi son maître, ne reconnaissaient aucun patriarche. On lut ensuite la confession de foi d’Abdissi, datée du 7 de mars 1562[a], où il promettait d’avoir et d’enseigner à ses inférieurs une parfaite et perpétuelle conformité de sentimens avec l’église romaine. Enfin on lut les lettres qu’il écrivait au concile pour s’excuser de ce qu’il n’y allait pas (B), et pour supplier les pères de lui envoyer leurs décrets, qu’il promettait de faire observer ponctuellement. Toutes ces choses avaient été déjà lues dans une congrégation, sans exciter autrement les réflexions de personne ; mais la protestation de l’ambassadeur de Portugal fit prendre garde aux absurdités de ce récit. On commençait à murmurer ; les évêques portugais allaient prendre la parole, quand le promoteur, au nom des légats, détourna le coup. Voilà comment Fra Paolo conte le fait[b] : nous examinerons ceci en un autre lieu[c].

  1. Elle est dans Onufre, in Vitâ Pii IV, dans Surius, Commentar., pag. 754 et dans Sponde, Contin. Annal., ad ann. 1562.
  2. Hist. du Concile de Trente, liv. VI.
  3. Dans l’article Hebed Jesu.

(A) ABDISSI. ] Onufre Panvini le nomme Abdysu, ce qui, dit-il, signifie servus Jesu[1]. Surius et M. de Sponde lui donnent le même nom ; M. de Thou le nomme Abisius, et ajoute qu’il était fils de Jean, de domo Marciâ, de la ville de Gezire sur le Tigre[2]. J’avoue que je n’entends pas assez ce que c’est que ce domus Marciâ pour me contenter de la traduction française que j’en pourrais faire. Je n’acquiesce donc pas à cette maison de Marc qu’il a plu à M. Moréri d’employer. Aubert Le Mire nomme Abdiesu le patriarche en question, et dit qu’il était religieux de l’ordre de saint Pacôme[3] ; qu’il avait succédé au patriarche Simon Sulacha [4], moine du même ordre, qui était venu se soumettre au pape Jules III ; qu’il était d’une érudition admirable ; qu’il entendait beaucoup de langues, et qu’il savait extrêmement bien les saintes lettres. Les mémoires de M. de Thou portaient que cet homme entendait le chaldéen, l’arabe et le syriaque, et qu’il répondait pertinemment aux questions très-difficiles qu’on lui faisait. Panvini, Surius et M. de Sponde assurent la même chose avec plus de circonstances. Dans la profession de foi qu’ils rapportent, il dit qu’il avait été moine de St.-Antoine dans le monastère des saints Rochas et Jean, frères. Il avait fait faire beaucoup de progrès à la foi romaine, si nous en croyons Aubert Le Mire ; mais ses successeurs laissèrent tout dépérir ; de sorte que Léonard Abel, évêque de Sidon, nonce apostolique en ces pays-là, en l’année 1583, trouva que le patriarche Donha Simon, qui était le second depuis Abdiesu, s’était retiré vers les confins de la Perse. Les affaires du pape n’étaient pas en meilleur

  1. Panvin. in Vitâ Pii IV.
  2. Thuan. Histor., lib. XXXII.
  3. Aubertus Miræus, Politiæ Eccles. lib. II, cap. V, pag. 217.
  4. M. de Thou le nomme Salaka. M. de Sponde, Sulaca. Voyez la remarque (A) de l’article Hebed-Jesu.