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ABDISSI.

état lorsque Pierre Strozza, secrétaire de Paul V, publia à Rome et à Cologne, en 1617, sa dispute de Chaldæorum dogmatibus[1].

(B) Pour s’excuser de ce qu’il n’y allait pas. ] Cela montre que M. Moréri s’est fort trompé lorsqu’il a dit qu’Abdissi se trouva au concile de Trente, et qu’il y présenta sa profession de foi, en la session XXII. Aubert Le Mire a commis la même faute, qui et Tridentino concilio interfuit, dit-il[2], en parlant de son Abdiesu. Ce qu’il y a de plus surprenant est que Moréri a été MM. de Thou et de Sponde, dont le premier ne dit pas un mot de ce prétendu voyage du patriarche au concile, et le dernier dit expressément qu’on lut les lettres où Abdysu faisait ses excuses de ce qu’il n’allait pas à Trente. Je remarquerai par occasion une faute qui s’est assurément glissée dans M. de Thou, il dit[3] que ce patriarche était venu ad apostolorum limina pontificem salutaturus, ut ab eo confirmatus partem de corpore sancti Petri acciperet. Qui ne s’imaginerait là-dessus qu’il était venu pour demander le bras, ou quelque autre morceau du corps de saint Pierre ? car c’est faire sa cour à Rome que de déclarer qu’on y est venu pour en remporter de tels présens. Mais je suis persuadé qu’au lieu de partem il faut lire pallium, comme il y a dans M. de Sponde, qui, à cela près, se sert des mêmes expressions que M. de Thou. C’est ce qu’on peut voir dans sa Continuation des Annales de Baronius, à l’année 1562.

  1. Aubertus Miræus, Politiæ Eccles. lib. II, cap. V, pag. 219.
  2. Idem, ibidem, pag. 217.
  3. Thuani Hist., lib. XXXII, pag. 640, col. 2. Edit. Francof., anni 1625.

ABEL, second fils d’Adam et d’Ève, fut berger. Il offrit à Dieu des premiers-nés de sa bergerie, dans le même temps que son frère Caïn offrit des fruits de la terre. Dieu eut pour agréable l’oblation d’Abel, mais non pas celle de Caïn ; ce qui chagrina de telle sorte ce dernier, qu’il s’éleva contre l’autre, et le tua. C’est tout ce que Moïse nous en apprend [a]. Mais, si l’on voulait s’étendre sur tout ce que la curiosité de l’esprit humain a enfanté là-dessus, on aurait une infinité de choses à dire. Nous n’avons garde de nous embarquer dans une telle déduction, ni de hasarder des conjectures sur l’âge qu’avait Abel lorsqu’il fut tué. Il est impossible d’avoir quelque certitude sur cette matière, tant parce que l’on ne sait pas combien a duré l’état d’innocence (A) qu’à cause que l’on ne sait pas de combien Abel était plus jeune que Caïn (B), ni en quelle année du monde il fut tué par son frère (C). Je ne hasarderai point non plus mes conjectures sur la question s’il mourut vierge (D), ou sur la querelle que Caïn lui fit. Les uns veulent que leur différent ait été une dispute de religion (E) ; les autres qu’ils se soient brouillés pour une femme (F). On ne parle pas moins diversement de la manière dont se fit cet abominable fratricide (G). Quant à la manière dont ils connurent la préférence que Dieu donna à l’oblation d’Abel, il n’y a pas tant de disputes. On croit assez communément qu’il tomba un feu céleste sur la victime d’Abel (H), et que rien de semblable ne parut sur les offrandes de Caïn. Mais, comme on n’a que trop de penchant à entasser suppositions sur suppositions, afin de faire trouver du merveilleux en toutes choses, il s’est trouvé des gens qui ont dit[b] qu’il parut une figure de lion au milieu des flammes qui tombèrent sur le sacri-

  1. Genèse, chap. IV.
  2. Apud Salianum, tom. I, pag. 190, et apud Piselium Ruinar. illustr., décade I, pag. 221, 273.