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sont-ils demeuré étonnamment au-dessous des réalités qui de toute part les confrontent.

Si bien que le monde ne les comprend plus et serait tout disposé à légèrement en conclure que la poésie n’aura point de place dans la cité d’industrialisme, de machinisme et de démocratie qui s’élabore. Jusqu’au jour où de la cohorte dolente aux gestes anachroniques, et sans qu’on y prenne garde tout d’abord, un homme se détache qui s’efforce de traduire l’exaltation dont il est la proie en face d’un tel spectacle. C’est que celui-là a senti passer en lui le frisson d’une beauté nouvelle et qu’il s’est éprouvé une parcelle de ce tout monstrueux et splendide. D’exilé il s’affirme un conquérant. Alors un poète moderne a surgi, et, s’il est assez puissant pour s’égaler à son âge, il en deviendra réellement l’un des éclaireurs.

Ce fut longtemps une habitude de ne citer Émile Verhaeren que comme un nom dans une liste de noms. Il semblait qu’on eut alors tout dit et qu’il fut de ceux-là qui ne valent qu’en tas. Déplorablement cette manie, en des milieux, perdura. Et l’on croirait parfois, à écouter certains jugements, que le poète n’a pas une individualité assez nette pour qu’on puisse l’extraire d’un groupe fameux, — aujourd’hui dispersé et légendaire — et le considérer lui seul, sans souci des écoles et des confréries ! La nullité d’un tel point de vue est éclatante.

Qu’il se soit opéré, à telle époque, un rapprochement de volontés d’art en vue d’affirmer de