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et si humains toujours ; hantant les carrefours, les foules et les monuments, promenant partout ses inquiétudes de nomades, ses désirs et ses fièvres de coureur de monde, d’amoureux d’impressions fraîches, de pleinairiste, de flaneur ardent, et surtout son âme de solitaire et de visionnaire et son cœur d’enfant. Oh ! comme elles durent être fécondes ces courses désordonnées, et comme profondément l’œuvre en porte les traces ! Et comme d’avoir aimé, confronté des humanités diverses, le poète a su lui communiquer ce sens de l’universel qui est sa qualité maîtresse…

Vers Kœnigsberg, la vieille cité prussienne et féodale, la figure de Kant — dont la philosophie l’avait un moment dominé au temps de ses révoltes et de ses doutes — l’attira. Il y vint comme en pèlerinage. Berlin, Dantzig, Munich eurent également sa visite. Peu après la mort de Wagner, Bayreuth l’avait sollicité et il était parti saluer la tombe de l’homme prodigieux qui avait associé l’univers entier à son orchestre. Vers le temps des Flamandes, une troupe allemande était venue donner à Bruxelles une série de représentations du Ring. Plus tard Verhaeren et son ami Théo étaient allés vingt fois de suite entendre la Walküre ; et les deux compagnons regagnaient leur logis en chantant à tue-tête, dans le silence nocturne des rues, les motifs du drame héroïque.

En 1890, immédiatement après son mariage, le poète retournait en Allemagne. Cette fois il visita Hambourg, dont le port et l’énorme vie industrielle