Page:Bazalgette - Émile Verhaeren, 1907.djvu/50

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bute par l’évocation des plaines d’où les humanités, à flots pressés, s’acheminent vers les industries reines. C’est un dyptique où les champs abandonnés s’opposent aux cités bruissantes. À présent c’est en leurs rues noires et vertigineuses que rêve le poète, capté par les aspects tragiques du phénomène nouveau, frémissant, aux écoutes, tour à tour hagard, apitoyé, bondissant de joie ou frissonnant de tristesse, mais sachant l’inéluctable et ignorant les malédictions. Et c’est l’énorme et rougeoyante vision du music-hall dans les Spectacles, le mystère de l’or et de l’agio dans la Bourse — oui, un poète sans dédain pour cet immense phénomène du monde moderne, le troc des valeurs, et s’attardant près de la « corbeille », parmi les hurlements des vendeurs et des acheteurs, — la fièvre autour des comptoirs assiégés par la foule des grands magasins dans le Bazar, l’évocation de telle rue chaude de Marseille ou d’Anvers, l’Étal, — où l’art du formidable évocateur dresse une de ses plus rouges flambées, — des ruées de Commune et de foules en folie dans la Révolte, le savant exalté dans son ardeur d’investigation et le laboratoire magnifié dans la Recherche — le poème de la science par un artiste assez authentique pour ne pas redouter l’apparente banalité du thème, — et ce cantique inoubliable à la force, à la beauté, aux « lois », dans les Idées… Plus spécialement ici Verhaeren confesse sa foi, et atteint ces sommets où la méditation à la suprême poésie s’allie.

Et toutes ces visions passent, énormes et pal-