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fit à déterminer une ère dans la littérature d’un âge. Aussitôt Émile Verhaeren quitte les provinces poétiques ou nationales pour entrer hardiment dans la grande patrie universelle de l’art, où il inscrit son nom parmi ceux des initiateurs.

Définitivement le « siècle athée et noir » au-dessus duquel, en signe de mépris, le poète jadis dressait juvénilement l’image d’un gigantesque autrefois, s’est illuminé à ses yeux, qui depuis si longtemps le scrutaient, et à travers ses horreurs splendides et son labeur, il en a perçu la miraculeuse beauté vivante, supérieure à toutes les beautés ressuscitées. Il a compris le sens de son effort, il a senti, près du sien, les battements désordonnés de son cœur. Et désormais entre le poète et son âge, c’est une communion frémissante, d’où jaillissent des hymnes débordant de la joie qu’il éprouve à l’avoir enfin retrouvé et embrassé.

Les Villes Tentaculaires (1895), c’est toute l’agonie d’un monde et la naissance de celui qui aspire à le remplacer. L’étrange suggestion de ces vers ne communique-t-elle pas le sentiment du volume entier ?

Et les vitraux, grands de siècles agenouillés

Devant le Christ, avec leurs papes immobiles
Et leurs martyrs et leurs héros, semblent trembler

Au bruit d’un train lointain qui roule sur la ville


Au flanc des glèbes dont les Campagnes Hallucinées interprétait la désolation, la bêche inutile est restée plantée : réciproquement les Villes dé-