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empreint d’une gravité particulière et semble traduire le souci prédominant du poète prophète, d’arracher à l’avenir des lambeaux de vérité pour éclairer les hommes d’aujourd’hui. Dans les Cris de ma Vie, l’émotion se précise et s’intensifie. Toute l’exaspération et l’outrance que manifestait naguère Verhaeren dans l’expression de sa souffrance, voici qu’il les transporte dans l’allégresse dont son cœur, en présence des merveilles qu’il devine, aujourd’hui se gonfle : et nous entendons d’admirables clameurs, quelques-unes immortelles. C’est d’abord l’hymne de la race blanche, dont les strophes rapides et cadencées ont un élan de marche et de victoire, — de la race d’Occident dont le poète est fils et dont il s’instaure le chantre.

Je suis le fils de cette race

Dont les desseins ont prévalu
Dans les luttes profondes

De monde à monde…


L’orgueil immense d’un Kipling chantant la grande communauté des peuples parlant anglais se transmue ici en un plus ample sentiment, celui du patriotisme européen : et quoi plus que cet hymne continental affirmerait l’universalité du poète, cette qualité complémentaire que possédait Hugo et dont Verhaeren est aujourd’hui le plus haut représentant, cette qualité qui fait que le cœur du monde bat dans ses vers, et que toutes les provinces de ce monde peuvent, avec des droits égaux, le revendiquer comme leur ?