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et tout le sublime, l’attitude poétique de Verhaeren est celle d’un iconoclaste.

On a essayé de montrer en lui un artiste ataviquement dominé par les fièvres d’or et de torture du catholicisme espagnol. Je trouve qu’il est, de toutes ses forces de poète, un homme du Nord, tout autant qu’un Carlyle ou qu’un William Blake. Sa tragique vision de la nature et de l’humanité, sa richesse d’âme, ses inquiétudes spirituelles, son farouche individualisme révèlent absolument un septentrional.

Son art a la rudesse qui distingue les hommes sortis de leur terre de ceux que forma la seule école, — cette rudesse que réprouve le goût formé exclusivement d’après les modèles latins. Il est vrai que pour justifier, s’il en était besoin, ce qu’il y a fait entrer d’informe et de chaotique, le poète peut invoquer l’exemple de toutes les grandes œuvres dont l’humanité se nourrit, la Bible, Homère, Shakespeare, Rabelais, et montrer qu’ils en débordent. Il n’a rien de doucereux ni de plaisant, rien qui le recommande à l’admiration des salons. Il est abrupt, sans « harmonie », il est brutal, il est grand, il est lui. Il ne sourit pas avec discrétion, il ne marivaude pas, il n’épithalamise pas. Il crie sa torture, son effroi ou sa joie, extrait de la vie ce qu’elle peut donner de plus intense et de plus pathétique : cela avec des accents qui font mal, qui font peur ou qui vous transportent. Mais ne lui demandez pas ce qu’il ne peut donner, l’émotion moyenne, l’euryth-