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Infiniment plus doué se témoigne l’écrivain d’art qu’a été Verhaeren tout le long de sa vie. Là nous le retrouvons magnifiquement lui, avec ses ardeurs, ses fièvres et ses enthousiasmes, — souverainement à l’aise devant les grandes pages de la peinture, qui ont joué dans son existence un rôle considérable.

Ce que Rubens fut pour Lemonnier, Rembrandt l’a été pour Verhaeren. Et dans la monographie consacrée par celui-ci au maître (1905), c’est avec une admiration totale, émue et magnifique qu’il a célébré son dieu. Ce Rembrandt-là a passé à travers le tempérament de Verhaeren. Du peintre au poète il y avait trop de correspondances intimes pour qu’un tel sujet n’ait pas éveillé toute la fièvre d’exaltation dont brûle ce dernier. Et cette étude, dont on pourrait également relever la sûreté et la clairvoyance, est une preuve nouvelle que toujours le plus sûr jugement appartient à celui qui aime le plus.

Verhaeren est essentiellement un Barbare que le destin voua à dépeindre ses visions à l’aide d’une langue plutôt faite pour traduire les sensations délicates et raffinées de l’extrême civilisation. Il faut comprendre cela avant de le juger. Il est hors de doute d’ailleurs qu’à l’égard de la « mesure » de la « tradition » et du « goût », ce triple idéal périodiquement invoqué par ceux-là qui estiment qu’un écrivain comme Musset, par exemple, représente tout le génie, toute la beauté