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que. Le visage s’est transformé, agrandi, solennisé. Le mâle, le plantureux et le sanguin se dénoncent toujours, mais dominés par la conscience lumineuse du regard, par la gravité presque religieuse de la face. C’est bien là l’expression d’un homme qui a accompli son périple, qui a fait le tour complet des choses et de la vie, qui est parvenu désormais à la sérénité consciente, à la révélation essentielle de lui-même. L’écrivain alors s’exalte en l’épanouissement intégral de cet instinct panthéiste qui est dans sa nature profonde de septentrional, et qu’il exprime avec toute la simplicité d’art à laquelle il est parvenu. Les sonorités et les truculences de sa forme se transposent en intensité. C’est le retour au port, après les croisières, d’un être devenu au cours du voyage plus grand, plus sage, plus profond, plus définitif : en résumé plus près de la vie, en ses aspects capitaux. Nous touchons ici, à ce moment, entre tous magnifique, où une vie donne sa fleur, émet sa note profonde, où finalement elle exprime ce pourquoi elle a été créée, où s’avère sa signification fondamentale.

Avec La Faute de Mme Charvet, nous avons vu Camille Lemonnier s’acheminer vers un sens particulier de vie et d’humanité, qui va trouver son expression finale. Cette personnelle vision ici se transforme, s’élargit, s’universalise jusqu’à devenir le thème de son œuvre, l’âme de son art… Et l’écrivain s’éprouve tellement illuminée de l’idée nouvelle que le pur artiste qu’il s’est toujours exclusivement voulu, nous apparaît en quelque sorte doublé d’un apôtre, l’apôtre d’une foi et d’une vérité nouvelle autour desquelles son art se concentre désormais. Ce sentiment nouveau est celui de la nécessité d’un retour de l’humanité à la nature, d’où, comme d’un bain de Jouvence, elle ressortira purifiée de ses vieilles tares, à nouveau pourvue de force, de jeunesse et de simplicité, celui de la pureté de l’instinct, de la signification religieuse de la vie, du lien qui rattache