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sions nouvelles, pour cet artiste en perpétuel devenir.

Il me faudrait enfin parler de sa Belgique. Je n’ai pas la fatuité d’évoquer ici en quelques phrases une œuvre que l’auteur mit plusieurs années à rédiger et dont l’ampleur ne se mesure pas seulement au nombre imposant des pages. Ce vaste poème descriptif donne la mesure du tempérament formidable grâce auquel il put être mené à bien, sans que Lemonnier interrompît pour cela le cours majestueux de son œuvre. Il est sorti d’une tendresse violente, religieuse de l’écrivain pour le sol natal. Sa Belgique il l’a éprouvée proche de son cœur, dans la diversité brusque d’aspects que créent sa configuration géographique et la dualité ethnique du peuple qui l’habite. Des polders au borinage, des rocs meusiens aux campagnes de la Lys, des cités industrielles aux villes sépulcrales, son regard ému et grave de fils du sol, son regard d’artiste aussi, s’est promené d’une vision lente et pénétrante où passaient l’art, la légende, l’histoire, les mœurs, le paysage, qu’il redisait en larges évocations coupées d’intimités familières. C’est vraiment une âme patriale et pieuse qui s’épanouit à chanter les aspects de la terre des aïeux. Plus tard il devait redire, d’une note plus intime, l’une des strophes de ce chant, et ce fut Le Vent dans les Moulins.

Car il y eut toujours chez cet « enraciné » la préoccupation foncière de la terre natale. Lemonnier est un terrien, retenu au sol par toutes ses fibres. C’est un intimiste du coin de nature ancestral. Absentes de lui les violentes curiosités du dehors, les fièvres de départ et d’aventure aux pays étrangers. Son sol, l’homme du fragment d’humanité dont il sort accaparent sa vision. Plusieurs existences ne lui suffiraient pas pour en épuiser la série des aspects et des phénomènes. Sa vie s’est écoulée presque entière aux mêmes lieux. Il a habité Ixelles et La Hulpe, avec des séjours tout fortuits à Paris. Son seul voyage fut, je crois, celui d’Alle-