Page:Bazin - La Barrière, Calmann-Lévy.djvu/114

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étaient levés. À travers les glaces, le parc, un peu court de ce côté, avait pris, sous la lune, un ton bleu et luisant, qui révélait l’abondance de la rosée. L’allée qui s’en allait, tournante et si nette entre les gazons, vers le cottage du jardinier chef, là, tout près, avait l’air d’une mosaïque de nacre. Et voici justement qu’à travers les vitres apparaît William, le riche, gros et très anglais William, marchant sur le sable, sans plus faire de bruit que s’il était une ombre. La lune, sculpteur en haut relief, accentue sur le corps épais du jardinier tous les pleins, toutes les courbes, grossit les joues, bombe la poitrine, arrondit les cuisses, lui donne un air de vieux Silène. Il revient des cuisines, où il n’avait que faire, mais c’est son habitude, quand il y a du monde, d’être invité au salon des domestiques supérieurs, et de boire loyalement, à la santé de sir George, un verre de porto que le baronnet laissera passer et paiera parmi les abus nécessaires. Il est doucement ivre ; il se balance sur ses gros mollets qu’il avait dodus seulement quand il était piqueur, vers la vingtième année. Son toit de tuiles, verni par la rosée, ses chèvrefeuilles et