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Page:Bazin - La Barrière, Calmann-Lévy.djvu/148

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— Que je suis parti.

Il se leva, et quitta l’hôtel, tandis que sa mère, assise sur le canapé, pleurait silencieusement des larmes dont elle n’aurait pas su dire la cause, mais qu’elle sentait venir d’une douleur profonde, profonde et qui, bientôt, allait avoir un nom.

La distance était courte, entre l’hôtel des Victor Limerel et l’appartement qu’habitaient madame Louis Limerel et sa fille, avenue d’Antin. Félicien marchait vite, enveloppé de pensées qui l’assaillaient toutes ensemble. Il songeait à ce qu’il allait dire, aux réponses possibles ; il bâtissait dix romans différents ; il se débattait contre les objections de son père ; il se rappelait tout le passé qui l’unissait à Marie : il revoyait Marie enfant, sur la plage de Saint-Lunaire, où les deux familles passaient un ou deux mois, autrefois ; les Tuileries, là-bas, au bout de la file des voitures qui descendaient l’avenue des Champs-Élysées, le jardin qu’il traversait, en revenant du collège, allongeant le chemin pour la voir sauter à la corde, ou courir, souple et folâtre, et l’œil long, comme une chèvre ; il la revoyait en jupe courte, à