Page:Bazin - La Barrière, Calmann-Lévy.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les visages las d’attention, et toutes les bouches s’ouvraient pour le respirer mieux.

— Dis donc, Leroux, il fait faim ! j’ai pas dîné !

— Moi non plus !

— Viens-tu avec moi ? J’ai des cerises.

— C’est pas assez !

— Et puis du veau. Et puis nous sommes copains. Où es-tu ? Je ne te vois plus !

— Par ici.

La nuit était noire ; sur la route, le vent travaillait la poussière, et semblait faire une œuvre inutile. En quelques minutes, Réginald fut tout seul sur le trottoir. Le tramway était comme une île claire dans les ténèbres.

Réginald descendit du métropolitain à la station de l’Étoile, et revint à pied à l’hôtel de l’avenue d’Antin. Il avait dans l’âme cette lumière diffuse et embellissante qu’y laissent les grandes pensées ou les grands spectacles. La beauté de ce paysage de Paris, qu’il connaissait bien, lui apparut comme une chose nouvelle. Il jouissait fortement d’être seul dans le mouvement des groupes et des voitures, et de sentir durer l’émotion de tout à l’heure. Il se félicitait