Page:Bazin - La Barrière, Calmann-Lévy.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

saveur piquante, remontante et grisante. De grandes écharpes de brume, verticales, et qu’on aurait dites suspendues aux étoiles, balayaient de leurs plis extrêmes, silencieusement, la terre et la mer qui était devenue calme.

Madame Limerel et Marie gagnèrent la route qui suit la côte, et qui monte, depuis la plage jusqu’à Ledge Point, entre de belles villas et les pelouses plantées de massifs de fusains. Elles aimaient ce haut observatoire au-dessus de l’estuaire de la Tamise. À des distances inappréciables, dans les brumes, sur le gris lamé des courants qui aiguisent les proues, des navires étaient assemblés, invisibles : flottes du roi, flottes de pêcheurs, cargos qui attendaient l’heure pour se diriger vers Chatham, ou vers Londres. Une grappe de faibles étincelles remuait dans les ténèbres. Seules, elles indiquaient qu’il y avait là des bateaux, des hommes, la vie. Tout en arrière, les lampes électriques des quais de Margate illuminaient une mince surface de la mer et un palais fantastique, dont les colonnes, les fenêtres, les dômes étaient en feu, et semblaient flotter sur les eaux. Madame Limerel avait coutume de penser tout