Page:Bazin - La Barrière, Calmann-Lévy.djvu/86

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ni même distrait. Il parlait avec cette gravité tranquille, cette impassibilité apparente qui est un résultat de l’éducation anglaise, et considérée comme une preuve de maîtrise de soi-même ; il avait l’air, penché vers sa voisine, d’une grande puissance qui met sa force au service d’une petite principauté, qui condescend à écouter, à dire une partie infime, mais précieuse, de ce qu’elle pense ; puis, tout à coup, la jeunesse détendait ce masque d’homme ; pour un mot, une idée, un souvenir, elle accourait, elle passait sur cette bouche solide qui devenait fine, songeuse ; elle passait dans les yeux bleus, qui s’ouvraient plus largement, et tantôt rieuse, tantôt impatiente, contredisante, elle donnait son complément de vie et de beauté à ce visage si nettement sculpté. En vérité, Réginald était un des trois hommes de forte personnalité assis autour de la table. Les deux autres étaient son père et Fred Land. Son père, qui mangeait copieusement et avec allégresse, entre deux bouchées levait sa tête menue, mal commode, impérieuse, relançant d’un mot sans profondeur, mais bien trouvé, chacun des convives, comme il faisait, à cheval, au milieu de sa meute,