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Page:Bazin - La Terre qui meurt.djvu/15

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septembre, à cette heure du soir où des bouffées de chaleur traversent le frais nocturne qui descend. Le métayer travaillait vite et sans arrêt, comme un homme jeune. Il étendait la main, et les feuilles, avec un bruit de verre brisé, cassaient au ras des troncs de choux, et s’amoncelaient sous la voûte obscure qui couvrait les sillons. Il était plongé dans cette ombre, d’où montait l’haleine moite de la terre, perdu au milieu de ces larges palmes veloutées, toutes molles de chaleur, que soutenaient des nervures striées de pourpre. En vérité, il faisait partie de cette végétation, et il eût fallu chercher, pour discerner le dos de sa veste dans le moutonnement vert et bleu de son champ. Il disparaissait presque. Cependant, si près qu’il fût du sol par son corps tout ployé, il avait une âme agissante et songeuse, et, en travaillant, il continuait de raisonner sur les choses de la vie. L’irritation qu’il avait ressentie des menaces du garde s’atténuait. Il n’avait qu’à se souvenir, pour ne rien craindre du marquis de la Fromentière. N’étaient-ils pas tous deux de noblesse, et ne le savaient-ils pas l’un et l’autre ? Car le métayer descendait d’un Lumineau de la grande guerre. Et, bien qu’il ne parlât jamais de ces aventures anciennes, à cause des temps