Page:Bazin - La Terre qui meurt.djvu/17

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de Noël qu’il tombait du grésil : « Mon Toussaint, je m’en vas habiter Paris, ma femme ne peut pas s’habituer ici. C’est trop triste pour elle, et trop froid. Mais ne te mets en peine ; sois tranquille : je reviendrai. » Il n’était plus revenu qu’à de rares occasions, pour une journée ou deux. Mais il n’avait pas oublié le passé, n’est-ce pas ? Il était demeuré le maître bourru et serviable qu’on avait connu, et le garde mentait, en parlant de renvoi.

Non, plus Toussaint Lumineau réfléchissait, moins il croyait qu’un maître si riche, si volontiers prodigue, si bon homme au fond, eût pu écrire des mots pareils. Seulement, il faudrait payer. Eh bien, on payerait ! Le métayer n’avait pas deux cents francs d’argent comptant dans le coffre de noyer, près de son lit ; mais les enfants étaient riches de plus de deux mille francs chacun, qu’ils avaient hérités de leur mère, la Luminette, morte voilà trois ans. Il demanderait donc à François, le fils cadet, de lui prêter ce qu’il fallait pour le maître. François n’était point un enfant sans cœur, assurément, et il ne laisserait pas le père dans l’embarras. Une fois de plus, l’incertitude du lendemain s’évanouirait, et les récoltes viendraient, une belle année, qui rétabliraient la joie dans le cœur de tous.