Page:Bazin - La Terre qui meurt.djvu/25

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dans les processions, portant une banderole. Seuls les yeux étaient d’une femme, ses yeux couleur de châtaigne mûre, de la même nuance que les cheveux, et où vivait, où luisait une tendresse toute jeune, mais sérieuse déjà, et digne, et comme sûre de durer. Sans le savoir, elle avait été aimée longtemps par ce valet de son père. Depuis un an, elle s’était secrètement engagée envers lui. Sous la coiffe de mousseline à fleurs, en forme de pyramide, qui est celle de Sallertaine, quand elle sortait de la messe, le dimanche, bien des fils de métayers, éleveurs de chevaux et de bœufs, la regardaient pour qu’elle les regardât. Elle ne faisait point attention à eux, s’étant promise à Jean Nesmy, un taciturne, un étranger, un pauvre, qui n’avait de place, d’autorité ou d’amitié que dans le cœur de cette petite. Déjà elle lui obéissait. À la maison, ils ne se disaient rien. Dehors, quand ils pouvaient se joindre, ils se parlaient, toujours en hâte, à cause de la surveillance des frères, et de Mathurin surtout, l’infirme, terriblement rôdeur et jaloux. Cette fois encore, il ne fallait pas qu’on les surprît. Jean Nesmy, sans s’arrêter aux inquiétudes de Marie-Rose, demanda donc rapidement :

— Avez-vous tout apporté ?