Page:Bazin - La Terre qui meurt.djvu/34

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découvrir les projets d’amour, sa perfidie qui cherche à les rompre. Celui qui ne sera pas aimé ne veut pas qu’on aime. Il ne veut pas surtout qu’un autre prenne la place qui lui revenait de droit en sa qualité d’aîné, celle de futur maître, de successeur du père dans le commandement de la métairie. Pour cette raison il jalouse François, et plus encore André, le beau chasseur d’Afrique, le préféré du père ; il jalouse même le valet qui pourrait devenir dangereux, s’il épousait Rousille. Mathurin Lumineau dit quelquefois : « Si je guérissais ! Il me semble que je suis mieux ! » D’autres fois, une sorte de rage s’empare de lui, pendant des jours il reste muet, retiré dans les coins de la maison ou dans les étables, puis les larmes viennent et fondent sa colère. En de tels moments, un seul homme peut l’approcher : le père. Une seule chose attendrit l’infirme : voir les champs de chez lui, les labours de ses bœufs, les semailles d’où naîtront les avoines et les blés, les horizons où il a connu la vie pleine. Depuis six ans que celle-ci l’a quitté, il n’a pas reparu dans le bourg de Sallertaine, même pour ses Pâques, qu’il ne fait plus. Jamais il n’a rencontré sur sa route Félicité Gauvrit, de la Seulière. Seulement, il demande quelquefois à Éléonore : « Entends-tu raconter