Page:Beaugrand - Jeanne la fileuse, 1878.djvu/153

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J’ai sacrifié la paix du foyer et le repos de nos vieux jours à l’honneur de la famille. Que Dieu soit mon juge !




Huit jours plus tard, Jules Girard, après avoir terminé tous ses préparatifs de voyage, avait rejoint son camarade à Ottawa et les deux amis avaient pris ensemble la route des « chantiers. »

Le double départ de Jules et de Pierre avait causé une douleur facile à comprendre, dans la chaumière de Contrecœur. Le vieillard qui tenait à ne point laisser percer son abattement devant sa fille, ne pouvait pas, cependant, cacher les traces que la douleur creusait sur sa figure amaigrie. Jeanne, elle aussi, essayait vainement de dérober à son père les sanglots qui soulevaient sa poitrine oppressée, et chaque soir, lorsque venait l’heure du repos, le vieillard pouvait entendre les gémissements de cette pauvre enfant qui n’avait connu l’amour que pour éprouver les tourments de la séparation. Le père Girard qui avait consenti sans hésiter au départ de Jules n’avait fait que se soumettre à la plus dure des nécessités, car la pauvreté était à la porte de la chaumière. Quelques piastres seulement restaient à sa disposition ; et il