Page:Beaugrand - Jeanne la fileuse, 1878.djvu/245

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Monsieur et madame Dupuis n’avaient jamais cessé de se montrer bienveillants pour l’orpheline, et ils en étaient arrivés à la considérer comme faisant partie de leur propre famille. Son caractère doux et obligeant la faisait chérir de ses camarades de travail, et toute la colonie franco-canadienne de Fall River citait Jeanne Girard que l’on avait surnommée « Jeanne la fileuse », comme un modèle de bonté, de modestie et d’assiduité au travail. La beauté mélancolique de la jeune fille inspirait une vive sympathie à tous ceux qui la voyaient pour la première fois, et plusieurs jeunes ouvriers soupiraient en silence, en pensant au bonheur qui était réservé à celui qui saurait se faire aimer d’elle. Son surnom de « Jeanne la fileuse » lui venait de ce que le système de filage auquel elle travaillait avait été introduit depuis peu dans les filatures de Fall River, et de ce qu’elle se trouvait au nombre des rares ouvrières canadiennes qui avaient adopté ce genre de travail.

Jeanne, en dehors des regrets que lui causait encore la mort de son père, et de l’ennui qu’elle ressentait en pensant à Jules et à Pierre Montépel, se trouvait donc dans une position relativement heureuse. Sa constitution robuste avait résisté aux premières fatigues d’un travail continu au milieu de l’atmosphère raréfié de la filature, et sa