Page:Beaugrand - Jeanne la fileuse, 1878.djvu/61

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— Mais mon ami, poursuivit Jules, savez-vous bien ce que vous faites là. Vous le fils du plus riche fermier de Lavaltrie ; vous qui serez plus tard l’héritier du magnifique domaine des Montépel ; vous enfin qui êtes presque le maître ici, vous aimeriez ma sœur, ma pauvre sœur, Jeanne la faneuse ? Mais c’est insensé ce que vous faites là. Dites, Pierre, dites-moi que je me suis trompé. Et toi, ma sœur, dis-moi aussi que tu comprends trop bien ton devoir d’honnête fille pour avoir osé porter les yeux sur le fils du maître ?

Et le jeune homme interrogeait du regard Jeanne et Pierre qui ne répondaient pas.

— Eh bien, oui ! dit enfin Pierre d’une voix agitée, je l’aime, Jules, je l’aime. Peut-être sans retour, mais je l’aime Jules, et je le lui dis ici, pour la première fois, devant son frère et son protecteur. Jeanne Girard je vous aime ! Jules Girard je vous estime ! Et me direz-vous maintenant que ce sera la fortune de mon père qui vous empêchera d’accepter mon amour et mon amitié ? Dites !

— Calmez-vous, Pierre ! de grâce, calmez-vous. On pourrait nous observer ici ; on pourrait entendre vos paroles. Séparons-nous maintenant et croyez bien à l’estime sans bornes que j’éprouve pour vous. Jeanne et moi, nous causerons de tout