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122 ESSAI SUR LE GENRE

grands mots , et mettre en avant , contre le genre ^é^■ieux , Aristote , les anciens , les poétiques , l'u- sage du théâtre, les règles, et sur-tout les règles, cet éternel lieu commun des critiques , cet époa- vantail des esprits ordinaires. En quel genre a-t-on vu les régies produire des cliefs-d 'œuvre ? N'est-ce pas au contraire les grands exemples qui de tout temps ont servi de base et de fondement à ces re- lies , dont on fait une entrave au génie en interver- tissant l'ordre des choses? Les hommes eussent-ils jamais avancé daus les arts et les sciences , s'ils avoicnt servilement re,>-pecté les bornes trompeuses que leurs prédécesseurs y avoient prescrites ? Le nouveau monde seroit encore dans le néant pour nous , si le hardi navigateur génois n'eût pas foulé aux pieds ce nec plus ultra des colonnes d'Aleide, aussi menteur qu'ori^ueilleux. Le génie, curieux, impatient , toujours à l'étroit dans le cercle des connoissances acquises , soirpcoune quelque chose de plus que ce qu'on sait ; agité par le sentiment qui le presse, il se tourmente , entreprend , s'agran- dit ; et, rompant enfin la barrière du préjugé, il s'élance au-delà des bornes connues. Il s'égare quel- quefois , mais c est lui seul qal porte au loin dans la nuit du possible le fanal vers lequel on s'em- presse de le suivre. Il a fait un pas de géant, et l'art s'est étendu... Arrêtons-nous. II ne s'agit 2>oint* ici de disputer avec feu, mais de discuter froide- ment. Réduisons donc à des termes simples une question qui u'a j.tmais été bien posée. Pour la por- ter au tribunal de la raison, voici comment je l't- noucerois.

Est-il permis d'essaver d'intéresser un peuple, an théâtre , et de faire couler ses larmes sur un évà- iiement , tel , qu'en le supposant véritable , et passé

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