Page:Beaumarchais - Œuvres choisies Didot 1913 tome 1.djvu/161

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DRAMATIQUE SERIEtJX. 12 ,

grade riioiiinie en lui ôt.int la liberté, hors laquelle il n'y a nulle moralité dans ses actions.

D'autre part, examinons quelle espèce d'intérêt les héros et les rois j>roprement dits, excitent en nous dans la tragédie héroïque , et nous reconnoi- trons peut-être que ces grauds événements, ces per- sonnages fastueux, qu'elle nous présente, ne sont que des pièges tendus à notre amour-propre, aux- quels le cœur se prend rarement. C'est notre vanité qui trouve son compte à être initiée dans les secrets d'une cour superbe, à entrer dans un conseil qui va changer la face d'un Etat , à percer jusqu'au cabinet d'une reine, dont la vue du trône nous seroit per- mise à peine. Nous aimons à nous croire les confi- dents d'un prince malheureux , jwrceque ses cha-. fjrins, ses larmes, ses foiblesses semblent rappro- cher sa condition de la notre, ou nous consolent de son élévation : sans nous en apercevoir, chacun de nous cherche à agrandir sa sphère, et notre orgueil se nourrit du plaisir de juger au théâtre ces maîtres du monde, qui par-tout ailleurs peuvent nous fou- ler aux pieds. Les hommes sont plus dupes d'eux- mêmes qu'ils ne le croient : le plus sage est souvent mù par des motifs dont il rougiroit s'il s'en éloit mieux rendu compte. Mais si notre cœur entre pour quelque chose dans l'intérêt que nous prenons aux personnages de la tragédie , c'est moins parcequ'ils sont héros ou rois , que parcequ'ils sont hommes et malheureux. Est-ce la reine de Messene qui me toa- che en Mérope. c'est la mère d'Egiste : la seule na- ture a des droits sur notre cœur.

Si le théâtre est le tableau fidèle de ce qui se passe dans le monde , l'intérêt qu'il excite en nous a donc nu rapport nécessaire à notre manière d'envisager les objets réels. Or je vois que souvent un grand

II.

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