Page:Beaumarchais - Œuvres choisies Didot 1913 tome 1.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

124 ESSAI SUR LE GENRE

coûte avant que de j)rononcer l'anathême. Ces idées sont trop neuves pour n'avoir pas besoin d'être développées.

, ^ Dans la tragédie des anciens , une indignation involontaire contre leurs dieux cruels est le sen- timent qui me saisit à la vue des maux dont ils per- mettent qu'une innocente victime soit accablée.' OEtiipe , .locaste , Phèdre , Ariane , Philoctete , Orcstc , et tant d'autres, n. 'inspirent moins d'in- térêt que de terreur. Etres dévoues et passifs, aveu- gles instruments de la colère ou de la lautaisie de ces dieux , je suis effrayé bien plus qu'attendri sur leur sort. Tout est énorme dans ces drames : les pnssio'is toujours effrénées , les crimes toujours atroc:;s y : ont aussi loin de la nature qu'inouïs dans nos mœurs; on n'y marche que parmi des décom- bres , à travers des Ilots de sang, sur des monceaux de moits, et l'on n'arrive à la catastrophe que par l'empoisonnement, l'assassinat, l'inceste ou Je par- ricide. Les Ici 1 mes qu'on y répand quelquefois sont pénibles, rares, brillantes; elles serrent le front long-tj.Lips avant que de couler. Il faut des efforts incroyables pour nous les arracher, et tout le génie d'un sublime au:eur y suffit à ;)eine.

D'ailleurs les coups inévitables du destin n'of- frent aucun sens moral à l'esprit. Quand on ne peut que trembler et se taire, le pire n'cst-il pas de réflé- chir? Si l'on tiroit une moralité d'un pareil geni»" de spectacle, elle seroil affreuse, et porteroit ai crime autant d'ames, à qui la fatalité serviroit d'ex- cuse, qu'elle en decourageroit d»^ suivre le chemin de la vertu , dont tous les efforts dans ce système ne garantissent de rien. S'il n'y a pas de vertus sans sacrilîccs , il n'y a point aussi de sacrifices sans es- poir de récompense. Toute croyance de fatalité dé-

�� �