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j38 essai sur le GENRE

les acteurs. Alors toute la vérité si précieuse de cette pièce s'évanouissoit ; et cet Antoine, si vrai , si pathétique, m'eût paru aussi gauche et maussade avec son langnge emprunté, qu'un naïf pavsan qu'on affnbleroit d'un riche hahit de livrée, avec la pré- tention de me le montrer au naturel. Je pense donc, comme M. Diderot, que le genre sérieux doit s'é- crire eu prose. Je pense qu'il ne faut pas qu'elle soit chargée d'ornements, et que l'élégance doit toujours y être sacrifiée à l'énergie, lorsqu'on est forcé de choisir entre elles.

Mon ouvrage est fort avancé , .si j'ai réussi à con- vaincre mes lecteurs, que le genre sérieux existe, qu'il est hou , qu'il offre un intérêt très vif , une moralité directe et profonde , et ne peut avoir qu'un langage qui est celui de la nature ; qu'outre les avan- tages communs avec les autres genres, il a de gran- des beautés propres à lui seul ; que c'est une carrière neuve, où le génie peut prendre un e.ssor étendu, nulsqu'elle embrasse tous les états de la vie et toutes les situations de chaque état; où l'on peut de nou- veau s'emparer avec succès des grands caractères de la comédie, qui sont à-peu-près épuisés sous leur titre propre; enlîn qu'il peut sortir de ce genre de spectacle une source abondante de plaisirs et de le- çons pour la société. Reste à savoir si j'ai rempli, dans le drame d'Eugénie, tout ce que cet es>ai sem- ble exiger de son auteur ; je suis loin de m'en flatter. La théorie de l'art peut être le fruit de l'étude et des réflexions ; mais l'exécution appartient au génie , qui ne s'apprend point.

Je n'ajouterois pas un mot déplus, si je n'avois aujourd'hui qu'à A'engerde sa chute un ouvraije tom- bé que j'aurois eu la foiblesse de croire bon. Mais il n'est peut-être pas indifférent d'assigner ici les vé- ritables causes du succès d'une pièce dont on a dit

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