Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/551

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paration contre un mari dissipateur ; que pour ne lui rendre aucun compte d’une dot de quatre cent mille livres que son époux voulait s’approprier. Je ne reviendrai point sur un fait aussi bien prouvé.

Mais j’ai dit, et je le répète, que lorsque j’employai mes soins pour l’arracher de sa prison, je ne la connaissais pas même de vue ; non que cette circonstance importât au fond de l’affaire. Peut-être mon action en a-t-elle eu plus de mérite ; mais si j’ai fait un crime en la servant, soit que je la connusse ou non, cela ne change rien à la nature de ce service.

Ces faits posés, et mon assertion contestée, tout indifférente qu’elle est, prouvons, comme je l’ai dit, que je ne connaissais pas l’accusée : prouvons-le par les faits, par des témoignages non suspects, par des raisonnements sans réplique.

À la dénégation que le sieur Kornman, ou son porte-parole, a faite de cette partie de mes déclarations, j’ai cherché à me rappeler quelles personnes dînaient chez le prince de Nassau en octobre 1781, quand je fus vivement pressé par ce prince et par la princesse de joindre mes efforts aux leurs pour secourir une inconnue. Je me suis souvenu que M. le comte de Coetloury, M. l’abbé de Cabres, M. l’abbe Girod, M. Saiffert, médecin, M. Daudet de Jossan, étaient de ce dîner. Je ne me rappelle pas quels étaient les autres convives. Forcé de justifier un fait indifférent, je n’ai pas cru manquer à des hommes d’honneur en les faisant appeler en témoignage, ainsi que M. le prince de Nassau, dans l’information faite devant le comissaire Chenu. Tous ont dit car tous ont dû ! i dire, et leurs dépositions sont dans les mains de M. l’avocat général) qu’il me fut fait de vives sollicitations par le prince et par la princesse ; que je leur résistai longtemps, ne connaissant pas même de vue la dame dont on me parlait, et sur des motifs de prudence qu’ils auront pu se rappeler, ce point ayant été traité à fond. Et tous ont dit (car tous ont dû le dire) qu’après de longs débats on me remit les lettres du sieur Kornman à son ami Daudet, que j’ai transcrites dans mon premier mémoire ; que cette lecture enchaîna mon irrésolution, me fit accompagner la princesse chez M. LeNoir, et m’a fait faire depuis d’autres démarches à Versailles. Quel intérêt avais-je alors de dire : Je ne la connais pas ? Si, voulant aujourd’hui nier la part que j’eus à sa liberté provisoire, je le disais, pour m’en disculper, qu’on ne peut m’imputer d’avoir fait ces démarches, puisque je ne la connaissais pas, peut-être on pourrait suspecter la vérité de ma déclaration, comme mise en avant pour écarter l’idée de mon concours en cette affaire. Mais quand je m’honore hautement des efforts que je fis pour obtenir que cette infortunée n’accouchât pas dans une maison de force ; quand j’avance que je me rendis, malgré mes répugnanecs, chez M. Le Noir, avec la princesse, chez tous les ministres, à Versailles ; que j’y sollicitai, avec M. le prince de Nassau, sa translation provisoire chez un médecin-accoucheur, ce que nous eûmes le bonheur d’obtenir ; comment peut-on me contester que je ne la connaissais pas, et faire un incident de cette circonstance’e seusi’ N’est-elle pas aussi indifférente aujourd’hui qu’elle l’était en 178’1 ?

Qu’on relise ma lettre écrite à M. Le Noir à cette époque, et rapportée dans mon premier mémoire, laquelle existe au dépôt même de la police, et a été remise avec les autres pièces à M. l’avocat général ; on y verra ces phrases, que nul intérêt, dans ce temps, ne pouvait m’engager d’écrire : " Quant à moi, qui ne l’ai jamais vue, qui ne la connais que par le tableau très-touchant que votre sensibilité vous en a fait faire en ma présence (à madame la princesse de Nassau), je la vois si cruellement abandonnée après une détention de cinq mois, pendant que le mari court à Spa, fait bombance et séduit tout ce qui l’approche, que je viens d’écrire à M. Turpin avo• eut, et son conseil) que si les intérêts de son client l’empêchent de me voir comme conciliateur, je vais franchement offrir à cette jeune dame, et mes conseils, et mes secours, mes moyens personnels, et ma bourse, et ma plume. » L’homme qui s’expliquait avec cette franchise pouvait-il être suspect quand il disait : Je ne la connais pas ? surtout ma conduite ultérieure et mes services non interrompus ayant prouvé depuis que si je la servis sans la connaître, j’eusse mis plus de zèle encore à mes démarches, si à l’intérêt du malheur j’avais pu joindre alors celui qu’inspire sa personne.

’l’eut inconnue qu’elle m’était, je déclare que j’ai contribué de toutes mes forces à l’arracher de sa je m’en honore, et le ferais encore si le même cas arrivait.

Mais, pour y parvenir, ai-je corrompu ses geôliers ? l’ai-je enlevée de force, « ni violé les clôtures ? é d’intrigue ou de ruse ? Si on l’eût jetée prison légale, c’est vous, ê magistrats, que j’aurais invoqués. Elle était enfermée par une lettre de cachet, et dans une prison royale : c’est vers Sa Majesté, c’est vers les ministres du roi que M. le prince de Nassau et moi avons dirigé nos démarches ; mais ont-elles été clandestin la réponse du ministre, adressée à ce prince existe en original, avec toutes les autnres entre les mains de M. l’avocat général. Chacun de nous croyait alors remplir un devoir imposant. M. Amelot à M. le prince de Nassau-Sieghen. y, Versailles, 10 décembre 1781.

" J’ai reçu, monsieur, avec la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, le mémoire concernant la dame Kornman. Je mettrai incestes yeux du roi les représentations