Ils n’auraient plus besoin de vous trouver si belle, pour vous aimer éperdument. Revenons…
Dans un homme comme Saint-Alban, ces propos que vous redoutez ne sont que des galanteries d’usage et sans conséquence ; de la part des autres, c’est pure étourderie ; de la vôtre…
De la mienne ?
De la vôtre… Mais je voudrais bien savoir pourquoi vous vous donnez les airs de m’interroger ? Il faut avoir de grands titres pour user de pareils privilèges.
Ah ! Pauline ! il arrive, et vous plaisantez !
Brisons là, je vous prie. Peut-être auriez-vous à vous plaindre de moi, si quelque autre avait lieu de s’en louer.
Ce Saint-Alban me fait trembler ; ôtez-moi cette inquiétude.
Que vous êtes importun !
Défendez-moi seulement d’en avoir.
Oh ! quand il veut une chose ! (Étourdiment.) Si je vous le défends, m’obéirez-vous ?
Ma chère Pauline !
Toujours le même ! on ne peut dire un mot sans être forcé de quereller ou de vous fuir.
Scène II
« M’obéirez-vous ! » … A-t-elle mis dans ce peu de mots tout le sentiment que j’y aperçois ? « M’obéirez-vous ! » Mais pourquoi cet heureux présage est-il troublé par l’arrivée du fermier général ?
Scène III
Ah ! mon père, vous avez changé d’habit ?
Voyez si ma chaise est prête.
Vous partez, mon père ?
Oui.
Vous ne prenez pas votre carrosse ?
Non.
Vous n’allez donc pas à… ?
Je vais à Paris.
Un voyage aussi subit…
Il ne sera pas long.
N’annoncerait-il aucun accident ?
Affaires de compagnie.
Ah !… Mais savez-vous qui l’on attend ici aujourd’hui ?
Qui que ce soit. Qu’on m’avertisse quand les chevaux seront venus.
C’est que cela pourrait déranger…
Rien, rien. Quelle heure est-il ?
Il n’est pas midi.
Avant deux heures je suis en route.
Vous ne me donnez aucun ordre, mon père ?
Laissez-moi seul un moment ; je ne puis vous écouter en celui-ci.
En poste… à Paris… Si promptement !… Un air glacé !… Je ne comprends pas, moi…
Scène IV
Entre une action criminelle et un acte de vertu, l’on n’est pas incertain… Mais avoir à choisir entre deux devoirs qui se contrarient et s’excluent… Si je laisse périr mon ami, pouvant le sauver, mon ingratitude… son malheur… mes reproches… sa douleur… la mienne… Je sens tout cela… Mon cœur se déchire. Si je dispose un moment, en sa faveur, des fonds qu’on me laisse… Après tout, ils ne courent aucun risque. (Il soupire.) Scrupules ! prudence ! je vous entends : vous m’éloignez du malheureux qui souffre, mais la compassion qui m’en rapproche est si puissante !… Voudrais-je être plus heureux, à condition de devenir dur, inhumain, ingrat ?… — C’en est fait ! où la raison est insuffisante, le sentiment doit triompher : s’il